Après le magnifique Winter Sleep que j'avais vu deux fois (et que j'ai encore envie de voir tant il est juste, subtil et sensible), c'est tout naturellement que j'ai acheté Le Poirier Sauvage au titre et au sujet qui cadrent tout à fait avec mes goûts ; en fait, c'est aussi un des rares films que j'ai acheté pour son réalisateur (d'habitude, j'évalue chaque film individuellement de manière agnostique, même méfiante).
Pour autant, j'étais quand même un peu méfiant, parler d'un écrivain dans un film pouvant tomber dans la caricature verbeuse de circonvolutions dans la pensée et les situations...écueil que malheureusement ce film n'a pas réussi à totalement éviter.
En effet, l'intrigue de base - qui n'est même pas finalement le véritable enjeu de l'œuvre - a tendance à noyer le reste du film et à se perdre dans des discussions certes intéressantes mais trop verbeuses et surtout qui ont du mal à vraiment dessiner quelque chose de cohésif. C'est d'autant plus dommageable que les prétentions littéraires du personnage ne servent finalement qu'à illustrer l'aveuglement de la jeunesse et la surestimation des capacités propres à cet âge. De même, elles servent à montrer la répétition de la vie du père tant fuie et pourtant répliquée peu ou prou à l'identique ; mais tel qu'est fait le film il aurait pu vouloir être jardinier ou maçon cela n'aurait rien changé au propos du film.
Du coup, je pense que le réalisateur a une affection particulière pour la littérature ou a vécu un parcours similaire et s'est dit que cela justifiait d'autant mettre en avant cette partie ; le problème est malheureusement qu'en l'état le fait que Sinan soit écrivain n'apporte pas grand chose et limite fortement le vrai sujet du film ; film qui d'ailleurs se réveille vraiment à la fin via une rupture franche qui amène à un dénouement logique sous la toujours réussie métaphore de la neige qui gèle les destinées et les relations familiales mais aussi les espoirs d'un village/d'une société où les espoirs sont bouchés (le volet national est ici une nouveauté).
Au delà de cet équilibre gênant qui empêche l'intrigue du film de se développer dans le large temps qu'il lui est imparti, la forme est toujours excellente avec une nature qui figure les états, beaucoup de naturel dans le jeu d'acteur (saut ironiquement peut-être le personnage principal) et aussi beaucoup de sensibilité et de justesse dans ce film pour adultes qui entend décortiquer les relations familiales au microscope sans tomber dans le jugement. Les décors sont magnifiques, la musique aussi et le rythme enveloppant.
Bref, un essai raté au regard du précédent film ; je suis partagé d'ailleurs entre le constat des faits : le message ne prend pas à cause de ce sujet principal vampirique qui ne mène à rien et une certaine justice à rendre : le film est toujours très fin dans les rapports familiaux. Ce sera quand même 6, le temps alloué au film ayant été trop gâché pour vraiment pénétrer l'esprit. La fin a beau être une belle synthèse, il manque les trois quarts du film.