The Cassandra Crossing (George Pan Cosmato, Royaume-Unis, 1976, 2h08)

Genève, trois terroristes s’introduisent avec pertes et fracas dans un hôpital afin de voler on ne sait quoi. Une fusillade éclate, deux sont tués par des gardes américains, présents dans une aile de l’établissement sous contrôle des États-Unis. Le troisième s’échappe, après avoir été éclaboussé par un liquide jaune dans une salle où des expériences sont menées sur des souris.


Au même moment dans une chambre confinée un homme se meurt. Difficultés respiratoires, éruptions cutanées, il est victime d’une grippe pulmonaire particulièrement violente, à laquelle il n’existe pas encore de vaccin. D’où les cobayes dans le laboratoire où s’est déroulée la fusillade. Le criminel en fuite est donc contaminé, alors qu’il se cache dans un train pour quitter le pays. Pris de fièvre et de tremblement.


Ne faisant absolument pas attention à sa condition il en vient à contaminer plusieurs personnes, et l’épidémie se repend. L’armée américaine prend en charge la gestion de la crise, par la plus martiale des manières, bien entendu. Traduisant en l’occasion une incapacité à réaliser l’ampleur de la situation, agissant en mépris total des victimes civiles, Par la traduction inhumaine d’un pouvoir à la masse.


‘’The Cassandra Crossing’’ commence comme un thriller international, puisque le train se dirige vers la Suède, traversant une bonne partie du continent européen. Puis évolue vers le film de virus, avec les passagers qui commencent à tomber peu à peu malade. Face à l’impuissance de l’ingérence américaine, un médecin présent à bord prend en charge les affaires, avant que tout dégénère et que dans son dernier tiers le métrage devienne un véritable actioner.


L’ingérence américaine, illustrée par un médecin officier, incarné par le toujours exceptionnel Burt Lancaster, est complètement incompétente. En réaction à la pandémie elle en appel à une violence disproportionnée, comme un véritable aveu de faiblesse. Suite à l’immobilisation de train, les passagers sont confinés, des plaques de fer sont soudées sur les fenêtres, tout comme les issues. Des soldats en tenues hermétiques blanches, avec mitraillettes et masques à gaz, prennent d’assaut le véhicule.


Une gestion d’une violence psychologique inouïe, et totalement injustifiés, se met en place. C’est là l’expression d’une institution incapable de faire face à une pandémie. L’objectif n’est plus de protéger, mais au contraire d’isoler, par le mensonge et une démonstration de force. Il est même envisagé de sacrifier les passagers. Le train est en ce sens réorienté en direction du Kasundruv Bridge, un vieux bout de métal rouillé, au-dessus d’un précipice, inutilisé depuis des années, qui a de forte chance de s’écrouler si un train passe dessus.


‘’The Cassandra Crossing’’ est une œuvre qui fait vraiment froid dans le dos, car la réaction des autorités semble à peine exagérée. Totalement impuissante, elle ne fait que des mauvais choix. Au lieu par exemple de faire confiance aux passagers, qui d’eux-mêmes sont aptes à gérer la crise avec intelligence, menés par un chirurgien de renom, incarné par le non moins extraordinaire Richard Harris, préfère faire usage d’une force militaire. Avec ordre de tirer à vue sur les récalcitrants. Sans prendre en charge l’indice humain et la panique inhérente à la situation.


Le confinement du train est une épreuve des plus anxiogène, et il est naturel pour un humain d’être prit de panique. Tout le monde ne gère pas ce genre de situation de la même manière. Mais pour les militaires, qui sont tous semblables et masqués, représentant une menace homogène et déshumanisée, les explications passent par la force, la violence, et les coups de mitraillette.


Face à la dérive militariste absurde, les passagers du train se révoltent naturellement. C’est à partir de ce moment que le métrage ‘’switch’’ complètement pour devenir un véritable film d’action over-the-top, avec des fusillades, des scènes de bravoures, des explosions, et un suspense des plus haletant. Car il y a une échéance : Le pont Cassandra.


À partir du moment où les passagers réalisent que le plan des Américains, au mépris de tout droit international, est de jeter le train dans le vide pour tuer tous ses passagers, et empêcher le virus de se propager, ils entrent en résistance. Jamais la force, l’injustice, et la martialité n’ont fait entrer dans le rang des individus. Plutôt que les impliquer avec intelligence dans la crise, une sorte de ‘’secret’’ désuet se met en place, en toute incompétence et déconnexion de la situation réelle.


Avec un récit qui évolue sans arrêt, George Pan Cosmatos, qui dans les années 1980 s’illustrera comme un réalisateur d’actioner bourrin, avec notamment ‘’Rambo II’’ en 1985, et ‘’Cobra’’ en 1986, propose une œuvre riche et frénétique, distillant un suspens en évolution constante. Mêlant trois genre, au passage de l’un à l’autre le film gagne chaque fois un peu plus en suspens.


Particulièrement bien étalonné, jamais l’ennuie ne s’installe, mais surtout le propos dramatique prend une autre dimension, à mesure que le film s’impose comme un divertissement de qualité.
‘’The Cassandra Crossing’’ annonce l’évolution d’un cinéma d’action qui connaîtra ses heures de gloire dans la décennie suivante.


Proposant une variation du film de virus, confiné dans un véhicule lancé à pleine vitesse, faisant prisonnier des passagers civils, qui confrontés à l’extraordinaire ne trouvent le salut qu’au plus profond de leur humanité. Il est possible de penser à ‘’Die Hard’’, qui dix ans plus tard viendra révolutionner le genre de l’action.


Lors d’une ultime séquence des plus spectaculaire, une résonance est faite avec une critique particulièrement acide des ingérences américaines, dans un monde alors bipolaire. L’impérialisme martiale des Yankees en prend ainsi sévèrement pour son grade. Quand le civil est remis au centre des réalités. Sans idéologie ni division, qui s’effacent alors que la survie de chacun est en jeu, l’action et le sacrifice prennent le pas sur l’impuissance. Répondant à la martialité par la violence, les gens du commun reprennent en main leur destin, refusant de plier face au diktat absurde et criminel d’une autorité n’agissant qu’en terme d’une politique autoritaire.


Particulièrement bien mené, l’œuvre de George Pan Cosmatos aborde toutes ces thématiques au travers d’un enrobage de divertissement. Distillant un suspens solide et une intrigue crédible, qui rendent l’ensemble des plus agréable à suivre. Grosse série B, avec un casting des plus solide, il est agréable d’y croiser des visages sympathiques du septième art, jamais elle ne sombre dans l’alarmisme, malgré son final qui vient interroge autant qu’il terrifie.


‘’The Cassandra Crossing’’ est bien plus malin qu’il peut y paraître, en se faisant la preuve d’un réalisme peu éloigné de notre situation actuelle, où l’ordre s’impose avant tout par la sanction et une violence institutionnelle démontrant l’impuissance des autorités. Au lieu de sensibiliser et avertir, il est plus facile de punir ou tuer que d’expliquer. Mais c’est là l’un des grands maux de notre temps : prendre les masses populaires pour plus connes qu’elle ne le sont.


-Stork._

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le 29 mars 2020

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