Un Spielberg qui était passé complètement inaperçu dans mes radars. Pourtant, il est relativement intéressant et bien fait. Évidemment, me direz-vous, c'est Spielberg. D'un autre côté, je m'interroge toujours sur la morale finale, assez trouble, de cette histoire d'échange d'espions au moment de la Guerre Froide. Comme dans La liste de Schindler, un brave homme à la vie confortable va se trouver embarqué dans le tourbillon inhumain de l'Histoire et y apporter sa petite touche personnelle, au prix de sacrifices importants, de risques immenses et de son innocence envolée. Un "homme debout", comme le dit l'un des personnages, au milieu de la tempête des compromissions ambiantes. Parce que les autres protagonistes de l'histoire ne sont guère regardants au moment de s'impliquer dans les grands mouvements de foule qui font les guerres et les injustices, ces soubresauts massifs qui emportent tout sur leur passage et qu'il faut les épaules d'Atlas pour supporter. Tom Hanks est l'incarnation de cette obstination à rester droit dans la tourmente en dépit des regards appuyés des "commuters", des reproches muets de sa femme et de l'incompréhension de ses propres enfants, purs produits du lavage de cerveaux gouvernemental de l'époque. Nul n'est prophète en son pays et il incarne ça à merveille. Tout allait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes cinématographiques quand arriva à grands coups de plans étirés à l'extrême la fin cousue de fils blancs, qui prit soudainement un tour un peu plus sombre que prévu, et donc plus réjouissant, puisqu'on s'écartait de la voie royale pavée de marbre blanc menant vers un riant horizon :


le transfuge n'est pas accueilli à bras ouverts par les Russes, pas plus que le héros de l'aviation américaine ne l'est par les abrutis décérébrés et inhumains de la CIA, personne ne semble reconnaître les qualités des véritables héros à leur vraie valeur et rien n'est vraiment juste au royaume des puissants.


Un petit pas pour le scénario, un grand progrès pour la subtilité d'une histoire jusque là assez manichéenne. Et puis pof, tout s'inverse en un plan assez malvenu et des incrustations explicatives lourdingues viennent conclure pesamment l'affaire, en remettant l'Amérique sur son piédestal, à travers ses héros presque anonymes, opportunément sortis de l'ombre pour que l'on comprenne bien aux 4 coins du monde que, là-bas, le Bien triomphe toujours ! Et pof, disais-je donc, une œuvre honorable savamment foutue en l'air. On dirait qu'une agence secrète de propagande a tourné un épilogue bêlant scotché nuitamment aux copies envoyées à la projection...

Créée

le 10 déc. 2017

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