L'Allemagne déleste
Il y a en fait deux films dans ce Pont des Espions, et le plus réussi des deux n'est pas celui auquel on pourrait penser. La première partie est, de fait, bien mieux qu'une simple mise en place...
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il y a 7 ans
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Prenant place dans les années 50 en pleine guerre froide, la dernière réalisation de Steven Spielberg relate l’histoire de Jim Donovan, avocat d’assurance, contraint de défendre Rudolf Abel accusé d’espionnage. S’étalant sur plusieurs mois entre l’arrestation de l’espion russe et sa libération, le film se repose sur une collaboration étonnante, alliant l’élégante mise en scène de Spielberg et l’écriture des Coen Bros.
Si l’on peut s’étonner de l’équipe formée par ces géants d’Hollywood, il en résulte une production plutôt cohérente et homogène. Le film développe plusieurs personnages affluents qui se lient à la trajectoire de Jim Donovan, impeccable Tom Hanks, étonnant de retenue. Les Coen font l’impasse sur l’aspect juridique du film, refusant d’enfermer les protagonistes dans un énième film tribunal perclus de joutes oratoires. Sans jamais renier son statut d’entertainment, le film déroule ses arguments et laisse les Coen égratigner les puissances de l’époque dans un jeu de cache cache ridicule où les apparences pèsent plus que les vies. La respiration de l’oeuvre est légère, ce qui ne l’empêche pas de s’accorder quelques beaux moments dramatiques. On sent le souffle de Joel et Ethan dans beaucoup de répliques sans que celle-ci asphyxient la réalisation didactique du maître S.
A mon sens, la grande réussite du film tient dans cette évocation de l’impossibilité de communiquer entre les USA et l’URSS, source et carburant de la guerre froide. Les deux superpuissances, démunies, sclérosées dans leur paranoïa et la sauvegarde des apparences, sont incapables de gérer leurs affaires diplomatiques efficacement sans l’action d’un civil empathique et déterminé. Par le biais de Jim Donovan, les Coen dénoncent cet âge de la guerre froide où seuls les soldats de l’ombre subissaient les foudres de la «justice», tout accident diplomatique étant proscrit sous peine de déclencher les représailles de l’atome. C’était l’époque des boucs-émissaires, de la propagande de masse jusque dans les écoles et de l’escalade au surarmement. Pour étayer cette démonstration, le trio Spielberg-Coen fait des merveilles et accouche de scènes puisant le meilleur de chaque partie. Cette menace est confuse car sans visage, jamais dans le film on ne verra les responsables, ni même leurs noms cités.
A l’instar de Tom Hanks, le reste du casting propose un sans faute. La retenue affichée par les acteurs est d’autant plus étonnante quand on connaît l’affection qu’on les Coen pour les personnages exotiques. Mention spécial à Mark Rylance qui campe un espion russe étonnant, animé d’un flegme tout britannique et d’une philosophie toute pragmatique. Une fois encore Janusz Kaminski fait des merveilles à la photo et arrive à jouer du clair-obscur comme Monnet jouait du reflet. L’infidélité de John Williams ne se fait pas réellement ressentir à la baguette, les compositions de Thomas Newman arrivant à habiller les scènes sans s’imposer.
On pourra reprocher au métrage de s’étirer artificiellement et de proposer des encarts Francis Powers et Frederic Pryor assez mal implantés. Comme d’habitude, et même si les Coen tendent à gommer l’effet, Spielberg ne peut s’empêcher d’être didactique ni de proposer des analogies peu subtiles. Le film demeure également assez linéaire et son manque de surprise, que l’on connaisse ou non les faits dont est tirée l’histoire, peut nuire à l’attention des spectateurs les moins indulgents, surtout pendant 2h20.
Le pont des espions est à ranger dans les réussites de Spielberg et des Coen. S’abreuvant au deux univers, le film ne ne s’assèche jamais et ne noie que rarement son spectateur. S’appuyant sur une histoire solide et malheureusement réelle, l’oeuvre est une réflexion sur l’acte de désobéissance et sur le devoir de citoyen.
Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous. Demandez ce que vous pouvez faire pour votre pays.
JFK
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste 2016. Entre chefs d'œuvre et nanars, petit ou grand écran.
Le 28 février 2016
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