Comme d'habitude je vais spoiler comme un gros porc. Soyez prévenus.


J'avais très peu entendu parler de "Le Pont des espions" avant d'aller le voir, ce qui est étrange pour un film de Spielberg. Mais j'aime bien les films d'espionnage, j'aime bien Tom Hanks, alors j'y suis allé gaiement.
Sur fond de Guerre Froide, le film raconte donc l'histoire de James Donovan, un avocat spécialisé dans les assurances et ancien avocat de l'accusation au procès de Nuremberg, qui est poussé à défendre un espion soviétique. Toute la première partie du film s'angle donc sur la tension qui existe entre le désir de l'avocat de respecter la constitution des USA et de donner à cet espion un procès équitable, et la société américaine qui le voit comme un ennemi à abattre qui ne mérite que la chaise électrique.
Première remarque : j'ai trouvé ce message vraiment très important. D'autant plus important pendant cette période d'état d'urgence durant laquelle l'exception semble être devenue la règle, et le respect de la loi et des libertés fondamentales semblent être devenus secondaires, surtout pour les ennemis de la liberté. Le Pont des Espions rappelle cette chose essentielle, notamment durant un discours de Donovan devant la Cour Suprême des USA qui m'a filé des frissons tant sa résonance avec notre actualité était troublante.


Dans la seconde partie du film, la possibilité d'un échange d'espions se présente, et notre ami James Donovan est envoyé en RDA pour négocier avec les soviétiques. Là encore, beaucoup de bonnes choses. Le film parvient à décrire cette étrange période de la construction du mur, l'absurdité des relations internationales entre des pays qui refusent de se reconnaître entre eux, la bureaucratie chaotique des pays du bloc de l'est et leur organisation hiérarchique kafkaienne. Une scène où des soldats se font passer pour la famille de l'espion russe enfermé aux USA souligne bien l'étendue de l'absurdité de la propagande soviétique. Le film décrit assez bien les rapports de force qui pouvaient exister entre l'URSS, la RDA, les USA, la CIA, le KGB et autres acronymes de l'époque. Cette partie du film en RDA est aussi prétexte à un plan séquence très réussi qui montre la construction du mur de Berlin et les gens qui tentent de s'enfuir vers l'Ouest pendant ce temps. C'est historiquement faux puisque le mur a été construit pendant la nuit, mais bon. Je chipote.


Bon, les défauts maintenant. Déjà le film prend un point de vue très nettement favorable aux américains, ou en tout cas à l'idéal que devrait être l'Amérique. Il y a quand même quelques références à la propagande américaine sur le risque d'attaque nucléaire, notamment dans les écoles, et Spielberg en profite pour filmer des enfants en train de prêter allégeance au drapeau et de regarder des vidéos d'explosions en pleurant. J'ai eu l'impression que Spielberg auto-parodiait son style en le rendant assez grinçant, et c'est tout à fait louable. Cependant, les américains restent quand même les gentils, ils traitent bien leurs prisonniers et sont l'axe du bien.
Pour finir, le plus gros défaut du film selon moi reste sa relative candeur dans le traitement de son sujet. Pas de torture violente, des personnages un petit peu caricaturaux, de la torture dans les locaux de la Stasi mais en version soft, ce qui crée un décalage assez gênant avec le monde que l'on nous décrit à longueur de film, même si les traits d'humour font souvent mouche.

Mais le pire de tout, c'est un Happy End spielbergien pour un sujet qui ne s'y prête pas vraiment. J'aurais préféré que le film se coupe à la fin de la scène du train, quand Tom Hanks regarde par la fenêtre et se rappelle des gens qu'il a vu mourir en tentant de passer le Mur, et que donc la guerre froide est partout et loin d'être finie. Avec une coupe à cet endroit on aurait également eu des doutes quand au sort de l'espion soviétique. MAIS NON. Spielberg est obligé de mettre un putain de carton explicatif pour dire que tout le monde va bien, tout le monde est vivant et a eu des médailles militaires et que c'est trop cool la vie.
Dommage.


Mais allez voir ce film quand même, il vaut le détour.

VernonRoche
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le 6 déc. 2015

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VernonRoche

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