"Le repos est fait pour les jeunes, ils ont toute la vie devant eux, moi pas."
« C’est une habitude bien française que de confier un mandat aux gens, et de leur contester d’en user. »
« Lorsqu’un mauvais coup se mijote, il y a toujours une « République » à sauver. »
« Tout le monde parle de l’Europe, mais c’est sur la manière de faire cette Europe que l’on ne s’entend plus. »
« Les parties de cette assemblée ne sont plus que des syndicats d’intérêt. »
A bien des égards, Le Président semble résolument moderne dans les thèmes qu'il aborde, les citations ci-dessus le démontrent bien. Et Jean Gabin, dans son rôle d'ancien Président est d'ailleurs très convaincant, et il insuffle d'ailleurs toute son âme au film de Verneuil. Cynique, d'une éloquence rare, le Président Beaufort a le sens de la formule et parvient toujours à dénoncer avec justesse des travers politiques bien connus, et déjà présents dans cette époque d'après-guerre, symbole de la renaissance du pouvoir français.
Tout y passe, l'importance des médias (et leur côté racoleur/leur manque de déontologie, comme ces nombreuses scènes de "journalisme de porte fermée", phénomène visiblement déjà existant à l'époque), les conflits d'intérêts des politiciens, trop souvent liés à des banques ou organismes financiers ou encore le manque de constructivité des opposants au régime, qui tombent parfois trop dans le populisme grossier pour dénoncer les politiques mises en place. Et Jean Gabin survient alors avec son beau chapeau et ses belles idées, prêt à pourfendre les malveillantes accusations et politiques pas vraiment en faveur de la Nation. En soi, c'est un film qui aborde des problèmes politiques (encore d’actualité) tels que la dévaluation, l’appartenance aux communautés européennes (alors balbutiantes) ou le populisme, mais dont le réel sujet est le système politique : comment influent les journalistes, l’opposition ou même l’entourage d’un Président sur ses décisions.
Et là est le principal défaut du film, ou sa principe qualité, c'est selon : il est baigné dans un idéalisme politique qui fait plaisir à voir, mais qui ne convainc qu'à moitié. Le Président imaginé par Verneuil, en tant qu'homme d'État est "prisonnier de la chose publique", doit vouloir être Président parce qu'il pense être la meilleure solution (et pas juste par dépit, parce qu'il n'est pas plus mauvais qu'un autre) et Beaufort dira lui-même qu'il n'a eu qu'une maîtresse en 30 ans d'existence : la France.
En soi, il incarne un peu "l'hyper-président" rêvé, qui prend ses décisions sans vraiment tenir compte de l'avis de ses ministres, qui cherche toujours à faire primer l'intérêt de la Nation avant le sien (ou celui de ses collaborateurs politiques) et qui parle avec assurance devant le peuple, en restant honnête, mais pragmatique. Un Président paternaliste qui, quand on lui dit qu'il peut tout faire, au fond, répond avec autorité et gravité que c'est justement pour ça qu'il ne peut pas tout se permettre. Aujourd'hui, à l'heure où l'économie semble dicter les possibilités de la politique, où la France n'a plus la même aura sur le plan international et où elle semble n'être plus qu'une partie de tout un système d'organisations intergouvernementales/communautaires, c'est une vision qui semble bien utopiste et simplificatrice.
Et pourtant, on ne s'ennuie pas une seconde, grâce au talent et aux punchlines régulières de Gabin, mais aussi parce que le film est bien rythmé et distille son intrigue entre grands débats épiques et discussions plus intimes, entre le passé du glorieux Président, et son présent de retraité, toujours garant d'un certain ordre dans la politique de son pays. Un film un peu naïf, mais qui laisse rêveur au fond.
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