Dans la famille Tierney, on est new-yorkais, irlandais et flic avec un sacré code de l’honneur. Le cadet enquête sur le meurtre de quatre policiers et remonte peu à peu vers les siens… Si Le Prix De La Loyauté lorgne vers le métapolar avec du sens à l’intérieur, on a surtout droit à de la grande pompe grandiloquente et à un air de déjà (beaucoup et mieux) vu.

Une partie de football américain transformée en bataille hoplitique révèle les valeurs de solidarité et d’esprit de corps : l’équipe corpo du NYPD rencontre les Brooklyn’s Butchers. Cette interminable scène d’ouverture installe sur un même plan la famille Tierney et la police. Pensez donc, même la fille a épousé un flic. On apprend alors que quatre policiers ont été tués. En attendant celle de l’enterrement, l’heure de la scène du couloir de l’hosto a sonné, c’est aussi l’occasion de mieux faire connaissance avec tout ce petit monde. Voici donc le pater (John Voight), les fistons, Francis (Noah Emmerich) et Ray (Edward Norton), et Jimmy le beau-fils. Côté mine flétrie, c’est assurément ce dernier qui l’emporte ; car au jeu du froncement de sourcil, Colin Farrell est absolument inimitable et imbattable.


Avec cette balafre à la joue, on comprend que Ray, le cadet, en a vu des vertes et des pas mûres. Il se saisit de l’affaire sur l’injonction bienveillante du paternel. C’est un flic pas comme les autres, un asocial qui habite sur une péniche, bosse le soir de Noël et est malheureux en amour. C’est aussi un super interrogateur, et grâce à ses super indics, il obtient très vite des super tuyaux. Et là, gros dilemme : des « gars de la maison » trempent dans le marigot, et des Tierney parmi eux. En se plaçant en plein dans le mille des conventions du genre, Gavin O’Connor entend le dépasser en lui donnant une tournure métaphysique à coups de problématiques dramaturgiques d’une exceptionnelle nouveauté : code de l’honneur professionnel et code familial sont-ils contradictoires ? « Quelle douleur est-on prêt à infliger aux siens pour que la vérité triomphe ? » ajoute-t-il dans le dossier de presse. Le père, les fils, les flics, le dilemme, la corruption et l’honneur. Est-ce que ça vous dit quelque chose ? Si Le Prix De La Loyauté était réussi, il aurait déjà le malheur de passer peu de temps après la bonne surprise qu’avait réservée Ridley Scott avec American Gangster et surtout La Nuit Nous Appartient de James Gray.


Chaque scène sans exception est ici orchestrée pour être la plus forte, la plus intense, avec le plus grand numéro d’acteur. À ceux-ci, on a dit de mettre le paquet, peut-être en faisant miroiter une statuette dorée ou, en second choix, un singe hurleur au prochain festival de Pékin. Résultat : les comédiens, peu aidés il est vrai, en font des caisses, tous et invariablement. C’est l’hiver sur New York, alors on y va franco sur une photo aux teintes bleutées. Évidemment le montage est vif, la mise en scène au cordeau, avec une orgie de gros plans pour saisir les tourments intérieurs des personnages. Quant au récit, il se termine par un face à face assez ridicule où l’on règle l’affaire aux poings, alors qu’en bons irlandais, ils auraient pu jouer ça aux fléchettes dans un pub… Les deux protagonistes, dont on taira les prénoms pour ménager le suspens, finissent avec une tronche digne de celle de Rocky Balboa après son combat contre Dolph Lundgren. Le Prix De La Loyauté est un pensum boursouflé qui ploie dès les premiers instants sous une intentionnalité qui restera constante. Et passons sur les vues idéologiques et morales assez détestables qui pourraient être prêtées à Gavin O’Connor. Cinématographiquement, ce dernier est incapable de ménager des temps faibles pour mieux faire surgir l’intensité d’hypothétiques temps forts. C’est-à-dire tout le contraire de ce que James Gray, désormais vanté quasi unanimement pour son inégal Two Lovers, avait magnifiquement réussi dans La Nuit Nous Appartient en filmant de véritables scènes d’anthologie.

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Auteur : Wesley
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le 14 sept. 2012

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