Le Procès est l'adaptation très libre du roman posthume de Franz Kafka. Orson Welles y puise tous les thèmes qui l'obsèdent, l'étude de la condition sociale (Citizen Kane et La Splendeur des Amberson), le sentiment culpabilité (Macbeth et Othello) et le faux-coupable (La dame de Shangaï et La Soif du mal), pour en faire une satire sociale et politique. Avec Le Procès j'ai l'impression de retrouver toute la maestria de mise en scène d'Orson Welles, mais aussi la même froideur des sentiments, ainsi qu'un récit un peu trop brouillon.


Joseph K (Anthony Perkins) est un jeune homme arrêté par la police à son réveil. Pourquoi l'arrête-on ? De quoi est-il accusé ? Est-il coupable ou innocent ? Joseph K semble être totalement perdu et plus il tente de comprendre ce qui lui arrive, plus il s’enfonce dans l’incompréhension et plus le piège de la justice se referme sur lui.


Mais avant tout ça, avant de nous présenter les déboires de Joseph K, le film commence par une petite fable racontée sous la forme d'un film d'animation vraiment très beau, étrange et unique dans son style (un peu à la manière d'un Terry Gilliam). Ceci permet de préciser les tenants et aboutissants du récit qui va nous être présenté par la suite. D'ailleurs le film se termine également sur cette petite fable, histoire de boucler la boucle (un peu comme dans Citizen Kane et Othello, en fait).


La première chose qui frappe lorsque le film démarre enfin, c'est la direction artistique. Tous les décors ont ce petit quelque chose d'intriguant, parfois vertigineux, parfois étouffants, mais toujours complexes et fourmillant de détails. Chaque décor est unique et bizarre. C'est cette bizarreté, qui ne semble être bizarre que pour le spectateur, qui frappe en premier. On a l'impression que tout ça n'est pas réel, que nous sommes dans un rêve (ou plutôt un cauchemar ici). Non vraiment, sur la forme c'est gros coup de cœur pour moi. Et bien sûr la mise en scène d'Orson Welles joue beaucoup là-dessus.


S'il y a bien quelque chose qu'on ne peut pas reprocher au film, c'est qu'il est tout le temps surprenant et nous mène toujours là où on ne l'attend pas. C'est parfois brouillon, beaucoup de personnages, certains récurrents, d'autre qui apparaissent furtivement pour disparaitre aussitôt sans savoir pourquoi. C'est très drôle aussi avec une pléiade de personnages haut en couleurs, tous magnifiquement interprétés par un casting franco-italo-américain (Jeanne Moreau, Romy Schneider, Michael Lonsdale, Suzanne Flon, Elsa Martinelli, Madeleine Robinson, Orson Welles lui-même ...). Mention spéciale tout de même à Romy Schneider qui joue une jeune infirmière un peu barrée et surtout très séduisante. Et puis il y a Anthony Perkins, probablement dans le rôle de sa vie. Il est présent sur quasiment chaque plan du film et il fallait bien un acteur de cette stature pour relever le défi. Son physique si particulier (longiligne et félin) colle parfaitement au ton du film et ajoute de l'étrangeté à l'étrangeté.


Que ce soit sur la forme ou le fond, Le Procès est l'un des films les plus étrange et énigmatique d'Orson Welles. Je ne suis pas sûr d'avoir tout compris, mais j'ai quand même adoré l'expérience, parce que unique, splendide et déroutante. C'est vraiment un film qui pousse à la réflexion et qui stimule votre intellect, sans être ennuyeux une seule seconde.


A voir absolument, le documentaire Filming The Trial de et avec Orson Welles ... www.youtube.com/watch?v=SAQ-SMx8QJE&ab_channel=kingsnorthlobotomy

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le 20 août 2021

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lessthantod

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