Ah, je suis bien rassuré ! Voilà un film qui, derrière le fait historique, a bien compris que l'enjeu est on ne peut plus actuel, à savoir la montée des extrêmes. Dans ce contexte, il faut faire un rappel sur le ciment de la démocratie (la liberté face à la barbarie), et dans ce cadre, quoi de mieux que de faire un procès du révisionnisme, la menace qui plane sur internet...


J'ai été très vite rassuré, car le film n'accorde absolument rien aux révisionnistes, pas même la réalité. J'avais peur qu'il ne leur offre une tribune pour développer leurs odieuses théories, mais heureusement, si on fait leur procès au travers d'Irving, le scénario ne leur laissera absolument rien dire, aucun argument justifié (on les laissera seulement dire qu'il n'y a pas de trous pour les chambres à gaz, argument réfuté en 2 secondes hors procès par filmage d'une photographie (qui n'est pas d'époque, mais encore une fois, c'est un ajustement utile pour suggérer la réfutation des arguments révisionnistes)). Réfutation aussi de l'absence de traces d'acide cyanhydrique dans les chambres, car il fallait moins de gaz pour asphixier les hommes en comparaison des poux (ce qui explique donc l'absence de traces dans un cas (les chambres à gaz) et leur présence dans l'autre (les chambres d'épouillage)). Donc on ment, mais c'est pour défendre le Bien. Le réalisateur est même parvenu à inverser le rapport de force avec une virtuosité admirable, en intitulant le combat judiciaire (histoire officielle contre révisionnisme) par l'expression "David contre Goliath", où Goliath le géant représente un révisionniste seul contre le frêle David incarné par un cabinet complet d'avocats et d'historiens qui travaillent à temps plein sur l'affaire (financé par des connaissances de Deborah Lipstadt (des lobbies juifs)). Oui, j'étais rassuré, on n'allait rien accorder du tout aux révisionnistes (car si vous leur accordez la moindre chose, c'est mettre le doigt dans l'engrenage et là, jusqu'où pourrait-on aller ?). Curieux tout de même que les médias soient montrés comme polis et respectueux avec le révisionniste, eux qui conspuent d'injures et d'infréquentabilité les négationnistes dans la réalité (ce n'était d'ailleurs pas différent en lisant les articles de presse à l'époque, mais bon, il fallait étoffer un peu ce Goliath maigrelet...).


A plusieurs reprises, on a très peur (la musique du film indique assez bien les montées de stress) de voir le révisionniste marquer des points, ou de voir le juge qui ne dit pas grand chose adopter une attitude de tolérance. Il faut dire que le dossier est léger du côté des défenseurs de l'histoire officielle, qui admettent n'avoir aucune preuve matérielle de l'existence des chambres à gaz. Pas de photographie, pas d'analyse, pas d'autopsie. Je commençais à avoir peur pour Nuremberg mais heureusement, le film n'en reparle pas. De plus, pas de témoins, aucun n'étant appelé par la défense. Cela est assez bien justifié par ces derniers, en ces deux points :
- Les survivants ne se rappellent pas et font des erreurs, mais c'est parce qu'ils sont traumatisés.
- Il est hors de question de laisser un révisionniste interroger des survivants, car il s'amuserait à les faire souffrir, ce vicieux (et accessoirement trouver des erreurs).
Moi même, j'étais terrifié à l'approche du procès tellement il était évident que l'histoire officielle n'avait rien de concret. Mais heureusement, l'avocat de la défense (historien également) éructe, hausse le ton et parvient même à insulter à plusieurs reprises le salaud Irving, permettant ainsi de substituer à son absence de preuve son indubitable assurance d'être du bon côté, qui se communique peu à peu à l'assistance. Ils oublient astucieusement de parler des épidémies, ce qui donne l'air ridicule à l'argument des fumigations d'Irving. Et puis, quand enfin, la défense se concentre sur l'accusation de racisme, je savais qu'on le tenait enfin. Un propos bizarre extrait de son journal => il est raciste => aucun de ses arguments n'est recevable puisqu'ils sont déformés et pervertis à la base par son odieuse pensée (et surtout, on n'a plus à y répondre).


Le verdict arrive, et assez magnifiquement, le salaud est condamné. J'en ai profité pour applaudir quand tous les défenseurs refusent la poignée de main du révisionniste (qui ironiquement se plaignait d'être mis au ban de la société), car il y a bien des infréquentables parmi nous. Si c'est un homme, nous disait Primo Levi ? Nous n'irons pas jusque là avec un cas pareil ! Le nazi, et par là même son défenseur (point de nuance à chercher dans les ténèbres) se sont d'office exclus de la civilisation et de l'humanité que nous avons défini. Le film est d'ailleurs incroyablement pudique vis à vis de la peine infligée au révisionniste. Le salaud Irving avait en effet dû régler tous les frais de justice (2 millions de livres) ce qui avait entraîné sa ruine et la saisie de tous ses biens. La peine était encore légère, fort heureusement, il fut arrêté quelques années plus tard au cours d'un voyage en Autriche et condamné à 3 ans de prison ferme pour apologie du nazisme, malgré sa piètre tentative disant qu'il avait changé d'avis sur ses précédents travaux (comme si on était dupe, il avait peur de la sentence de la Justice, comme ces salauds de nazis exécutés à Nuremberg). On se dit qu'un gazage n'aurait pas été de trop, histoire de lui faire subir ce qu'il passait son temps à vouloir réfuter. Car il n'y a que cela que les barbares comprennent. Quand la Haine commence, il n'y a plus d'échappatoire possible,la Civilisation doit faire face, et frapper encore plus fort que l'assaillant, car le Bien doit triompher, il le faut ! La répression est regrettable, mais nécessaire dans ce cas, et si nous réprouvons la violence, il faut bien l'utiliser pour purger l'Infamie. Et le pire, c'est que ces salauds vous donnent l'envie de tuer à nous les bons. Car non seulement ils sont le Mal, mais en plus ils créent le mal en nous ! Vivement qu'on en finisse, et qu'on devienne une Humanité unie et apaisée.

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le 13 janv. 2017

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Voracinéphile

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