On pense immédiatement au « Ça rend heureux » du Belge Joachim Lafosse à la vision de ce « Prochain film », qui en emprunte la plupart des éléments : style documentaire, mise en abyme de la réalisation d'un film, acteurs jouant leurs propres rôles. En fait, les deux films se ressemblent même énormément, mais ça n'est pas un mal tant ce genre de cinéma-vérité est encore trop peu répandu, ou du moins encore trop réservé à une certaine élite. « Le prochain film » est en effet l'inverse d'un film poseur. On y suit, caméra sur l'épaule et en plans rapprochés, deux couples d'artistes très nature, brillamment incarnés par Frédéric Pierrot/Sabrina Seyvecou et Antoine Chappey/Marilyne Canto (ensemble à la ville et à l'écran). C'est le « polissier » Pierrot qui est au centre du film, réalisateur et père de famille souhaitant tourner une comédie avec son frère habituellement spécialisé dans les rôles dramatiques. Le canevas de départ n'est qu'un prétexte à un enchaînement de saynètes plus ou moins connectées où l'on suivra les personnages dans leurs péripéties professionnelles et privées, Féret s'amusant à montrer (de nouveau, précisément à la manière de Joachim Lafosse) de quelle manière les relations familiales et amoureuses peuvent s'envenimer (gentiment) quand on mélange travail et vie intime. Derrière son innocence de façade, le film chronique avec beaucoup de tendresse un certain cinéma français aux tendances consanguines comme s'il n'était absolument pas au courant de l'antipathie qu'il génère auprès d'un public fatigué de ces alliances familiales : on pensera donc très fort à de nombreux cinéastes au cours du film, et pas seulement à Féret lui-même. Cette candeur est bien entendu une grande partie de l'intérêt du « Prochain film », qui mise tout sur sa spontanéité pour rendre sympathique le milieu qu'il dépeint. Et ça fonctionne.
Il faut dire, déjà, que le casting a une méchante classe. Frédéric Pierrot dans un premier rôle est un délice en soi ; secondé par le tout aussi rare et talentueux Antoine Chappey, cela donne des scènes franchement réussies où l'on comprend, définitivemement, ce que le mot « spontanéité » veut dire. C'est très bien joué, c'est aussi très vivant, très drôle, traversé de brefs instants de tension où s'epximera, derrière l'homme, l'ego un tantinet surdimensionné qui fait l'apanage de l'artiste. Les femmes de leur côté sont également merveilleuses, quelque part plus humbles et douces, ramenant une certaine tranquillité (Marilyne Canto, élégante, naturelle, est fantastique). Ensemble ce petit monde tente d'avancer dans ce projet de film un peu farfelu qui semble aller dans toutes les directions, sauf celle qui était prévue : untel va se casser la jambe, une autre va tenter de rompre avec son homme, encore un se brouillera avec son metteur en scène au franc-parler rebutant... « Le prochain film » ne semble jamais vraiment se faire, sans cesse ajourné à cause de menus détails s'accumulant. A force de privilégier les petites scènes et un montage brutal (on passe souvent du coq à l'âne d'une séquence à l'autre), Féret se perd un peu et aurait peut-être du privilégier un peu plus d'unité. Cela dit, on reste définitivement charmé par ce défaut qui n'en est pas vraiment un, cette espère d'aléatoire gentil qui semble gouverner le film, où chaque scène semble ne pas vraiment avoir d'importance mais qui pourtant est vécue à fond par tous ses interprètes. Leur plaisir est communicatif, la drôlerie d'une situation n'apparaît jamais aussi bien que quand elle n'est pas soulignée, et à lui seul le jeu de Frédéric Pierrot, son phrasé inimitable, sa chaleur humaine justifient les scènes les plus anecdotiques. En vérité, c'est l'ensemble du film qui est anecdotique, conscient qu'il est de ses petits enjeux, de ses petits personnages ; pour autant, il bouillonne tellement d'énergie, de naturel, de fraîcheur, que ne pas le voir serait tout simplement criminel. Après, voir ou revoir « Ça rend heureux » qui lui est égal sur à peu près tous les points : une perle, donc.
