On pouvait craindre un panégyrique de méthodes pédagogiques aussi révolutionnaires que spectaculaires, sur fond de poncifs et d'images prévisibles. Sous la houlette du réalisateur brésilien Sérgio Machado, ce "Professeur de violon" nous offre une tout autre expérience, humaine, cinématographique, musicale.


Les méthodes pédagogiques sont certes exposées, mais elles ne sont rien d'autre que très classiques, invitant ces élèves de la favéla de São Paulo auxquels elles s'adressent à adopter une rigueur et une discipline qui les arrachent à leur comportement initial.


La grande habileté de ce film consiste sûrement à ne pas avoir fait de l'enseignant un battant, à qui tout réussirait de prime abord et qui entraînerait tout sur son passage dans cette spirale du succès. Au contraire : on le voit douter, être paralysé par ses démons, renoncer devant l'obstacle. Ainsi, lorsqu'il va lutter, d'abord contre puis avec ses élèves, pour les arracher à la vie terne et sordide qui les guette, on saura que c'est aussi la face la plus inavouable de lui-même qu'il va tenter de sauver en eux, ce qui rend son entreprise bouleversante.


Le scénario évite ensuite le syndrome du pélican, qui pousserait l'enseignant passionné à se sacrifier pour ses élèves. L'entreprise de sauvetage de l'autre va ainsi pouvoir ricocher vers lui et le rendre apte à se sauver lui-même également. Alors pourra s'épanouir comme une superbe fleur tropicale l'incroyable charisme qui émane de l'acteur incarnant ce Laerte, Lazaro Ramos. Une fois le lien de confiance et de promesse établi avec ses élèves et en lui-même, les gestes de direction de ce professeur de violon pourront se faire infiniment délicats et subtils, aussi doux qu'une caresse. Ils ne pourront malheureusement neutraliser radicalement la violence électrique produite par la favéla, mais le spectateur sortira néanmoins de cette séance de cinéma traversé et empli d'une incommensurable douceur, imprégné d'un optimisme tenant tête à tous les abandons.

AnneSchneider
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 22 juin 2016

Critique lue 969 fois

7 j'aime

12 commentaires

Anne Schneider

Écrit par

Critique lue 969 fois

7
12

D'autres avis sur Le Professeur de violon

Le Professeur de violon
easy2fly
6

Un violon sur le toit de la favela

Le Professeur de violon est une adaptation de la pièce Acorda Brasil d'Antônio Ermirio de Moraes, s'inspirant d'une histoire vraie. Elle se déroule au Brésil au sein d'une favelas où un violoniste va...

le 24 juin 2016

4 j'aime

Le Professeur de violon
ThomasHarnois
8

Le film copié par Kad Merad and co

« Le professeur de violon » est un très bon film dépassant les clichés habituels sur les favelas pour donner une image plus positive par le biais de l’apprentissage de la musique classique.Les...

le 6 nov. 2023

1 j'aime

Le Professeur de violon
Cinephile-doux
7

Bons sentiments

Tiré d'une pièce de théâtre, elle-même inspirée de faits réels, Le professeur de violon n'innove pas dans le genre "L'enseignant qui donne à des gosses démunis les chances de s'accomplir." Classique...

le 9 déc. 2016

1 j'aime

Du même critique

Petit Paysan
AnneSchneider
10

Un homme, ses bêtes et le mal

Le rêve inaugural dit tout, présentant le dormeur, Pierre (Swan Arlaud), s'éveillant dans le même espace, mi-étable, mi-chambre, que ses vaches, puis peinant à se frayer un passage entre leurs flancs...

le 17 août 2017

76 j'aime

33

Les Éblouis
AnneSchneider
8

La jeune fille et la secte

Sarah Suco est folle ! C’est du moins ce que l’on pourrait croire lorsque l’on voit la jeune femme débouler dans la salle, à la fin de la projection de son premier long-métrage, les lumières encore...

le 14 nov. 2019

73 j'aime

21

Ceux qui travaillent
AnneSchneider
8

Le travail, « aliénation » ou accomplissement ?

Marx a du moins gagné sur un point : toutes les foules, qu’elles se considèrent ou non comme marxistes, s’entendent à regarder le travail comme une « aliénation ». Les nazis ont achevé de favoriser...

le 26 août 2019

70 j'aime

3