Je ressors de ce film assez marqué par ce que je viens de voir. Déjà, parce qu'il incarne pour moi la fin d'une époque. Sur l'affiche, aux côtés du nom de Belmondo, nous retrouvons ceux de Lautner et Audiard, duo qui incarne pour le cinéma français ce que Dezaki et Sugino étaient à l'animation japonaise. Seulement ici, tout leur style habituel ne se ressent qu'à travers le personnage de Picard, agent formateur sur le déclin, un pied dans le plâtre, dont la verve un peu crue et directe agace prodigieusement ses collègues ; Picard est un homme du passé, le dernier d'une lignée dont il n'y aura plus aucun représentant. Et il en va de même pour ce long-métrage : sans ces noms et sans ce personnage, difficile voire impossible de reconnaitre l'œuvre des créateurs des Barbouzes et des Tontons Flingueurs, tant sa noirceur, sa froideur, et son drame le rapprochent plus d'un polar que d'un classique avec Lino Ventura ; une musique signée Ennio Morricone et un affrontement contre Robert Hossein digne d'un western italien viennent compléter le tableau.

En dehors de cette réflexion, Le Professionnel est un film saisissant. Il raconte le baroud d'honneur d'un homme seul contre le monde entier, qui ne réussit à avancer que grâce à un honneur mal placé et une idée de vengeance. Belmondo campe un personnage à sa mesure : sûr de lui, roublard comme pas deux, tantôt charmeur tantôt distant selon les circonstances. Un personnage qui impressionne pas un culot et un sang-froid sans pareil, et qu'une magnifique scène finale gravera à jamais dans nos mémoires. Robert Hossein incarne l'antagoniste de notre Bébel national, un inspecteur méthodique, effrayant, et sournois ; et il n'y a pas à dire : il s'en sort très bien, malgré l'omniprésence de Belmondo.
D'ailleurs, si l'acteur restera dans la mémoire collective comme l'homme du tac tac badaboum, affublé d'un haut-de-forme et d'un caleçon à cœur, Le Professionnel ne demeure pas moins un film cruel et oppressant, mais qui arrive malgré tout à ménager quelques passages plus légers, grâce au charme et à l'intelligence de notre héros. Et il y a des nibards.
Je n'ai jamais eu de doute quant au talent de Bébel, mais ce film le met en valeur comme rarement : son personnage impressionne, et surtout le scénario s'avère à la hauteur de ce personnage. Avec en prime toute l'expérience d'un duo mythique du cinéma français.
Aujourd'hui le cinéma français est peut-être mort, mais hier il nous aura offert des chefs d'œuvre comme celui-ci.
Ninesisters
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le 4 mars 2012

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