Requiem pour deux paumés en Ozon mineur

François Ozon, c'est un peu le Paul Auster du cinéma français: oscillant entre le bon et l'excellent, chaque nouvel opus lui permet de recycler les mêmes obsessions sous couvert d'une intrigue différente et d'un style unique.

Petit guide à l'usage du novice:
Comme dans la plupart des films de monsieur Ozon, vous trouverez, ressassées dans Le Refuge, les obsessions suivantes:
- la mort (et ici on n'hésite pas m'sieurs-dames, on la filme glauque à souhait)
- le deuil
- l'abandon et la solitude
- le triangle amoureux
- l'océan
- une filiation douloureuse (et même plusieurs quand on peut les caser en 1h30)
- un scène de cul (et même plusieurs quand on peut les caser en 1h30)
- un beau gosse gay tendance bi (un Kinsey 5 généralement)
- le secret de famille type bubon purulent, qui gonfle, qui menace, qui fait mal, qui explose, qui éclabousse et qui tache
- la mort de Melvil Poupaud (oui, Ozon aime faire mourir Melvil Poupaud dès qu'il l'engage, allez savoir pourquoi...)
- un bébé

Comment ça, glauque? Bon, un peu, oui, parfois, mais à la fois sensible et beau. Et derrière le malaise, Ozon arrive à tout sublimer, à commencer ici par ses acteurs.
Isabelle Carré, que je trouve tête-à-claques en temps normal, trouve ici LE rôle de tête-à-claque de sa carrière. Mais pas une tête-à-claque neuneu genre Les Emotifs Anonymes, hein. Une tête-à-claque avec un vrai rôle, une vraie épaisseur, ambigüe, cyclothymique, enceinte et héroïnomane. Rien que ça! Son jeu est parfait, je n'imaginais même pas qu'elle pouvait jouer à ce niveau dans un tel registre. On est à la limite du contre-emploi, tant le cinéma français l'a cantonnée dans les rôles de bobonunuche.
J'ai pour ma part découvert Louis-Ronan Choisy (vu qu'il n'a joué que dans 2 films, je ne dois pas être le seul), très bon aussi dans son rôle de centrifugeur-à-obsessions-ozoniennes, belle combinaison de Kinsey5-deuil-secretfamilial-triangleamoureux-filiationdifficile-scènedecul-solitaire (vous pouvez souffler). Louis-Ronan, si tu me lis, je pardonne à tes parents pour ton prénom et j'aimerais bien te voir dans d'autres films, merci!

Vous l'aurez deviné, le film repose en grande partie sur ses acteurs et le travail de direction. Le scénario est sympa mais pas révolutionnaire, il souffre de quelques longueurs, rien de dramatique cependant. A mon humble avis, c'est un Ozon mineur. Mais un Ozon mineur, c'est toujours mieux que 80% de la production française: un écrin modeste pour deux petits bijoux éclipsés par les Rolex tape-à-l'oeil du box office.
Djeeb
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le 4 mars 2012

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Djeeb

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