Le Retour
7.5
Le Retour

Film de Hal Ashby (1978)

Film sorti dans un contexte mouvant, en effet le cinéma et la société sont en pleine mutation, entre la mort de Kennedy retransmis à la télé via le film de Zapruder et les nombreux reportages quotidiens sur la guerre du Vietnam diffusés dans la majorité des foyers. Le cinéma n’est plus le même, une fois affranchie du code hays la représentation n’étant plus soumise à la censure, la violence, le sexe et la guerre vont envahir les écrans de salle. L’Amérique est complètement fragilisée et les codes des films classiques ne fonctionnent plus, le public veut désormais se reconnaître à l’écran (surtout le jeune public donc celui qui rapporte le plus d’argent) et non pas regarder des films avec une vision glamour et aseptisée. Alors que les films sur la Seconde Guerre mondiale pouvaient facilement se transformer en films de propagande, mettant en avant le nationalisme et la nécessité de se battre contre un ennemi commun “les nazis”. La guerre du Vietnam est bien plus complexe et les valeurs ne sont pas aussi claires que celles de la guerre précédente. Malgré certaines tentatives comme Les Bérets Verts de John Wayne, les films de propagande ne marchent pas sur le public et ses films en question ne rapportent quasi aucun argent au box office. La première scène du film met en avant une discussion entre plusieurs vétérans de la guerre, l’un d’eux essaye de justifier sa présence au Vietnam, les autres cependant sont dubitatifs et disent que rien ne peut justifier cette guerre. Si on essaye de la justifier c’est pour se mentir à soi-même et se prouver qu’on a pas souffert et fais souffrir pour rien. On pourrait faire le lien avec la tendance des films comme Les Bérets Verts d’expliquer Why we fight ? et que donc ici on s’adresse au public de manière honnête. Coming Home (Le retour en français) s’inscrit totalement dans une “tendance pacifique” et met en avant l’impossibilité pour les soldats d’être fier de retour de la guerre comme en témoigne le discours de fin de Luke :
“Certains d'entre vous voient cet uniforme et pensent aux films et à la gloire qu'amenaient les autres guerres, et sentent un vague sentiment patriotique et partent se battre dans ce merdier.
Croyez-moi c'est pas comme dans les films, je voulais être un héros, je voulais tuer pour mon pays.
Je me sens mal d'avoir tué pour mon pays, rien ne justifie ça.”
Le film met en avant le retour au pays et les conséquences de la guerre, dans un premier temps physique. Avec la mise en parallèle entre Bob Hyde impatient de partir à la guerre, avec la volonté de devenir un “héros” à l’image des films américains servant de modèle. Et d’un autre côté ceux qui reviennent de la guerre, handicapé, démunis de leurs jambes. Cette séquence est brillante car elle met en avant l’état d’esprit, le dynamisme dont fait preuve les soldats qui s’engagent pour la guerre mais tout en étant annonciateur de la tragédie qui les attends. Le film n’en fait pas trop, ne donnant pas à voir dans la même séquence des gens crier de douleur par exemple, non ici tout est fait pour sonner “juste” et sans artifices. C’est que plus tard qu’on va s’intéresser au traumatisme en profondeur, celui-ci étant avant tout psychologique. Une blessure de guerre n’est rien comparé à ce qu’ils ont vécu ou fait la-bas, encore une fois ici ce qui est bien c’est qu’on ne représente pas le vétéran comme quelqu’un de totalement fou comme c’était souvent le cas dans les films des années 70. Non tout est fait en nuance, un personnage comme Luke qui apparaît totalement névrotique au début, en proie à des crises de violence finir par se révéler être un personnage sensible, touché par la guerre au plus profond de lui mais il porte cependant en lui l’espoir. La possibilité malgré la difficulté et l’impression du manque de reconnaissance (thème très abordé de la guerre du Vietnam et reconnu comme le plus grand traumatisme de cette guerre) de pouvoir s’en sortir et de s’intégrer à nouveau à cette société. Sally Hyde apparaît ici comme le médiateur entre la guerre et le retour au pays et leur relation va ainsi se transformer en histoire d’amour. Une histoire d’amour intéressante car elle aborde aussi la question de la tromperie, les personnages ne sont pas fiers de ce qu’ils font et sont réalistes quand à l’issue de leur relation. Un espoir persiste tout de même, la fin laisse planer un doute sur leur relation mais cependant je pense que le spectateur est un peu entre deux feu. Il est à la fois touché par la liaison entre Sally et Lucky qui se présente comme un véritable exutoire pour Lucky mais d’un autre côté il est aussi touché par le retour de Bob Hyde qui semble complètement détruit par la guerre. Lucky a lui aussi de la peine pour lui et représente finalement l’état d’esprit du spectateur, qui désire sûrement la relation entre les deux perdurer car plus d’attache envers Lucky que Bob mais qui ressent tout de même de la peine pour Bob. Le captain revenant du pays a le discours symbolisant de manière générale celui des vétérans de la guerre du Vietnam, ils ne sentent pas chez eux à “la maison” (= personnification de l’Amérique) ni à leur place au Vietnam. Le couple de Lucky et Sally adoptent au fur et à mesure du film des valeurs propres aux hippies, ce que déteste le personnage de Bob, on peut comprendre que s’opposent ici alors l’ancienne Amérique beaucoup plus patriote à la Nouvelle Amérique bien plus progressiste et défendant des valeurs pacifiques. Lucky était avant comme Bob, on peut alors penser que le film symbolise aussi une réconciliation avec les vétérans partant à la guerre, accusant la faute non pas aux soldats voulant participer à la guerre pour leur pays mais plutôt à ceux qui organisent cette guerre (l’armée, le gouvernement). Bob finit par s’émanciper en enlevant son uniforme et se mettant nu, le nationaliste embrasse a ce moment donc les valeurs du mouvement hippie en choisissant la liberté à l’uniforme donc au patriotisme. Le dernier plan fait penser à celui de Harold et Maude donnant place dans les deux cas à un grand sentiment de liberté face à un grand espace (verte pour H et M avec la montagne et bleu pour Le Retour avec la Mer). Le thème de l’amour impossible est aussi ici représenté.
La mort de Kennedy est brièvement abordée dans le film mettant en avant les tourments de l’époque du film et de l’Amérique, les films du Nouvel Hollywood comporterons presque à chaque fois les spectres de la mort de Kennedy ainsi que la guerre du Vietnam. Le sentiment d’être les victimes du gouvernement n’est surement pas sans lien avec les différentes théories du complot sur la mort de Kennedy illustrant le manque de confiance accru pour le gouvernement. Le film est clairement une propagande anti-guerre et personnellement je trouve ça légitime mais l'idéologie du film prend pour moi bien trop de place par rapport au reste de l'intrigue ce qui justifie ma note de 7/10

Créée

le 23 mars 2021

Critique lue 74 fois

El Mathox

Écrit par

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