Ce film se veut être une suite de l’oeuvre sortie en 1964, ma critique se fera donc à l’aune de ce que j’ai pu penser et apprécier dans son aîné.
Précaution d’usage, je suis extrêmement fan du premier opus, qui a bercé mon enfance.


Postifs:
- beaux décors
- beaux costumes
- l’interprétation du personnage principal, globalement pas dégeue


Négatifs :
- Les chansons sont passables en anglais, affreuses en VF. Aucun air ne reste dans la tête ou ne donne envie de chanter. Tout est oubliable.


A partir d’ici, je spolie sans vergogne :


L’histoire en elle même est problématique de bout en bout :
Dans le premier opus, l’objectif de Mary est de reconstruire la famille Banks dont les enfants deviennent intenables du fait de la distance de leurs parents avec eux. Cependant cet objectif se dessine lentement tout au long du film et n’est pas balancé en pleine figure du spectateur au début de l’histoire.
On commence par « canaliser » les mômes (le rôle de la nurse) pour amener doucement au fait que s’ils sont dans cet état, c’est du fait d’une cellule familiale dysfonctionnelle par l’absence des parents dans l’éducation des gamins. Mary et Bert amènent le père à s’interroger sur les priorités qu’il a mises dans sa vie et sur les choix qu’il a fait (« pendant qu’on gagne, gagne, gagne sa situation… »)
Si le père pense mener une vie parfaite au début, il se rend compte qu’il y a de sacrés grains de sable dans les rouages et que ses enfants, « les dauphins de (s)on empire » ne ressemblent pas à ce qu’il voudrait qu’ils soient. Mais finalement, tout le monde doit changer un peu pour que cela fonctionne, le père, la mère, les mômes.


Là, qu’à t-on ? Un Mickaël méconnaissable (les ravages de la puberté et du deuil ?) semi artiste raté, réduit à être caissier de banque dans le même établissement que son père, élevant des enfants bien trop adultes pour être crédibles un seul instant. Et sa soeur Jane, rushée pour être le love interest du Bert en solde de ce film.
La construction des personnages est trop rapide : vite, comprenons que Mickaël est un adulte qui ne sait pas gérer, et qui ne le savait déjà pas du vivant de son épouse. Que sa soeur, à défaut d’être suffragette est la copie de sa mère en version lutte des classes. Que les gamins sont là pour combler les failles de leur père.
On fait grand cas de la saisie immobilière qui les menace, mais à aucun moment eux ne semblent réellement tristes à l’idée de perdre cette maison. Je me sentais plus triste qu’eux, finalement plus attachée à cette maison et à cette nursery que les deux adultes censés la protéger par nostalgie et héritage. D’ailleurs, ils ne mettent jamais les pieds à l’étage, comme leurs parents avant eux.
De fait, que doit faire Mary Poppins ici ? Reconstruire le lien entre enfants et adultes ? Il existe déjà, et si Mickaël a de mini crises façon Georges Banks, il se reprend bien vite (passons d’ailleurs sur les rapports humains beaucoup trop proches physiquement pour être crédibles en 1930. Si le film de 1964 parvenait à rendre cohérent des rapports distanciés entre parents et enfants qui finissent par se retrouver, le film de 2018 décrit des rapports parents-enfants et frères-soeurs de 2018, où l’on se parle à 25 cm du visage et où les parents s’excusent auprès de leurs enfants. Mais bon c’est peut être « l’éducation de Mary » qui a cet effet sur Mickaël).
Non, elle sert juste à…. rien. A ramener des enfants à la place d’enfants qu’ils doivent avoir au lieu de suppléer leur père ? Même pas, ce sont eux qui cherchent des solutions. A trouver la solution ? L’auraient-ils moins trouvée sans elle, puisqu’elle est sur un papier qui est sous le nez de tout le monde ? Et qu’au fond ce papier ne servira à rien puisque (et là on en arrive à ce qui m’excède au delà de tout) : c’est le placement des 2pences de Mickaël qui va les sauver.
Rewind : en 1910, critiquant le capitalisme et l’idée qu’il faut absolument « investir » le petit Mickaël refuse de refiler ses 2pences à Dawes Sr, déclenchant une émeute dans la banque. Finalement, pour se réconcilier avec son père, il lui file ses 2P.
Et bien … tadaaa ils ont été investis et, par le truchement d’un taux d’intérêt fixe de 107% par an pendant 20 ans et en période de crise, ils lui permettent de rembourser son prêt sans toucher à ses actions. Et là mon colon, t’es bien content que Papa ait utilisé sa morale de capitaliste pour mettre tes 2pences à la banque plutôt qu’à nourrir les piafs. Vive le système, et si tu étais resté pauvre cela aurait été de ta faute mon gars. Tu aurais voulu rester en dehors du game.


Mary Poppins première mouture n’avait pas de « grand méchant ». C’est ce qui faisait la subtilité de ce film. Banks n’est pas méchant, c’est un adulte qui a oublié d’être autre chose qu’un bourgeois de l’époque Edouardienne. Et avec un peu d’aide, il se sort de sa sclérose mentale.
Là, on nous colle un Colin Firth qui sert d’antagoniste puisqu’il faut qu’il y ait un méchant. Un vrai mec problématique. Parce que (confère le point précédent), ce n’est ni l’époque, ni le système le problème : c’est un mec qui est méchant. Comme quoi le capitalisme c’est globalement cool, le problème c’est seulement un mec qui a envie de spolier les gens.
Du coup on se retrouve avec une pauvre lutte banale des gens biens contre les connards. Et on enfonce bien le clou : à la fin du 1er, même les banquiers parviennent à faire voler leur cerf volant, ce qui montre que tout le monde peut se fabriquer ses propres ailes. Lui là, il rend l’hélium plus lourd que l’air. Il change l’hélium en butane et ça ne stresse personne.


Mary Poppins n’avait pas d’histoire de coeur « ouverte». On sent bien le petit flirt entre Bert et Mary dans le tableau à la craie, mais ça n’est ni le point principal de l’histoire, ni même celui de la relation entre les deux personnages.
Là on se retrouve avec une histoire d’amour à 2 pences, entre la fille restée célibataire qui avait bien besoin que sa vieille nurse (elle même célibataire) vienne lui filer un coup de main pour se souvenir que sans un homme elle ne serait rien (ou pas grand chose).


Parlons enfin de la scène de cabaret, pendant « moderne » d’ « une jolie promenade avec Mary ». Que c’est sale : c’est vulgaire à souhait, oubliant le côté collet monté du personnage. La coupe de cheveux, la chorégraphie, l’interprétation (en français ET en anglais)…. Tout me donne la sensation que Mary Poppins est passé de nurse à fille de basse extraction sociale avec jupe trop courte en prime.
Passons sur la partie « rap » de Jack, qui se veut l’adaptation du numéro de danse de Bert en 2018, je n’y suis pas sensible par goût musical.


Bref, ce n’est pas bon, parce que ça n’est pas subtil, parce que ça prend son public pour des cons, que c’est simpliste et définitivement, ça ne vaut pas le premier et ne peut pourtant pas s’envisager sans.

CastorManonLavi
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le 29 déc. 2018

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CastorManonLavi

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