Il va de soi que ce film ne cherche guère plus qu'à s'insérer dans la production routinière de films d'épouvante ou assimilés. Pourtant, il est bien fait. Pour rendre à ce point l'atmosphère de Rome, si contrastée, avec ses fréquents accidents de la route et les comportements irresponsables des conducteurs, le cachet des vieilles demeures délabrées perdues sur une colline, la chaleur des restaurants autour de la Piazza Navone, les superbes volées d'escalier et les pavages somptueux du Vatican, il faut savoir tenir une caméra. Pas une image de trop. Tiré au cordeau. Musique très réussie d'Alex Heffes.
Bon, comme on est en France, tout ce qui est religieux ou parareligieux reçoit des tonnes de vomi dès qu'on l'évoque. Donc, c'est bien clair: si l'Eglise Catholique vous insupporte, allez voir Dubosc dans "Le Marquis" ! Pour ceux qui contiennent leurs haut-le-coeur, le film contient une intrigue finalement simplette: la dialectique entre une pensée spiritualiste médiévale, qui prolonge la survie de la croyance au Diable, et le rationalisme matérialiste banal qui-refuse-d'être-dupe, idéal absolu du bon Français de 2011.
Ce qui est peu crédible ici, c'est la simplicité de la psychologie des personnages: finalement, tous, sceptiques ou pas, sont assaillis par le Malin au nom de leurs culpabilités accumulées au fil du temps. Pas un pour assumer ses propres erreurs, et tous sont prêts à basculer dans la possession au seul énoncé de choses dont ils ne sont pas fiers. Bon, il faut bien donner prise au Diable, sinon on ne peut pas faire un film !
Sur le fond, match nul entre les éléments tendant à accréditer la possession diabolique, et ceux tendant à accréditer les psychopathologies. Les scénaristes, comme à l'accoutumée dans ce genre de production, ont concentré dans leur histoire un certain nombre de scènes "diaboliques" attestées dans l'histoire: les voix rauques, les convulsions hystériques, les hémorragies internes spontanées, la divination de secrets intimes, les phénomènes de déplacement d'objets, etc. A propos des clous crachés par plusieurs personnages, je vous cite un texte de Vallemont (1752): une fille de Tourcoing était depuis neuf ans "une minière inépuisable d'aiguilles, une fille qu'on déchire sans pitié à grands coups de scalpel pour tirer ces aiguilles, les montrer, les donner à qui en veut; une fille dont les membres secs et retirés ne sont qu'un squelette couvert de peau, dont la peau elle-même n'est qu'une vaste et hideuse cicatrice..."
On aura remarqué l'insistance avec laquelle les exorcistes cherchent à faire dire au démon quel est son nom. On est ici dans une des strates les plus primitives du rapport aux démons: l'identifier, c'est acquérir le moyen de le combattre. Ce comportement remonte aux rites chamaniques les plus archaïques. Mais il a ses résonances dans la démarche psychanalytique: il faut verbaliser les fractures, nommer le Mal en lui frayant un passage par le langage articulé pour pouvoir l'exorciser.
Toujours est-il que le Satan ("L'Ennemi") est dans son rôle en niant Dieu et en faisant croire qu'il n'existe pas.
Ceci dit, la morale semble être que croire au Diable, c'est croire en Dieu. Est-ce bien suffisant pour s'engager à vie dans une carrière ecclésiastique, surtout aujourd'hui ? On en doute.
Colin O'Donoghue a un joli physique de latin lover ténébreux, qui devrait plaire aux demoiselles. Alicia Braga est craquante en petite journaliste espiègle et directe. Anthony Hopkins adore jouer les monstres, et nous refait Hannibal, en plus rauque.
Ce film peut se voir, si on laisse son fanatisme anti-religieux au vestiaire.