Le Roi Lion
5.7
Le Roi Lion

Long-métrage d'animation de Jon Favreau (2019)

SPOILERS non dissimulés !


On ira peut être dire que je fais une crise de frustration, mais je suis quand même exaspéré de voir à quel point le public est arrivé à montrer une enthousiasme pour un projet aussi hérétique. Impossible de parler de camouflage ou d’habillage maintenant que les retours confirment cette impression. Le Roi Lion, œuvre d’animation de toute une génération qui continue de conserver aujourd’hui ce pourquoi il a été et est si bien aimé, était inévitablement visé par la campagne actuel des remakes de classique Disney alors qu’en l’occurrence, on peut facilement démontrer pourquoi il n’a aucune raison d’être réadapté (vous trouvez vraiment qu’il a vieillit ou qu’il mérite une relecture modernisée ?).


Des retours des figures iconiques autour du dessin animé (Hans Zimmer et Elton John jouant le jeu pour la musique et les chansons, Beyoncé choisie pour doubler Nala, James Earle Jones pour redoubler Mufasa tandis que chez nous c’est Jean Reno qui a repris son rôle) en passant par les plans adaptés à la technique du photoréalisme déjà adopté dans Le Livre de la Jungle (un film pour lequel la technique passait bien mieux puisque les visuels du DA ne reposait pas tellement sur sa colorimétrie mais la profondeur de plan et les dessins en eux-mêmes), on passe de la mauvaise farce à l'œuvre apathique ou le public n’essai même pas de se poser la moindre question sur la légitimité du film et va simplement le voir pour retourner à une époque qui lui correspond.


En principe je ne suis pas du genre à écrire une critique juste pour cracher mon mépris et ma colère sur un film et le public qui le valorise à tord de mon point de vue. Mais étant moi-même un grand fan de Disney tentant au mieux de développer sa vision critique quelque soit le média en question, je ne mentirais pas en disant que l’envie d’arracher les globes oculaires de ceux qui diront que cette version a de la valeur ou leur rappel leur enfance ne me traverse pas mes nerfs neuronales. De l’autre, ce serait que de la provocation ou de l’insulte gratuit, et j’ai pas envie de faire de pester ainsi : alors parlons de ceci avec un peu de contrôle.


Le plan d’ouverture sur A Circle of Life est à lui-seul synonyme de pourquoi ce film ne marche pas : le film de 1994 commençait en fond noir et le chœur d’ouverture avec un plan très précis, synchro, sur les lueurs solaires d’un jaune or quasi divine ou l’usage des couleurs servaient à magnifier chaque plan sur les animaux de la savane. De même que chaque plan variait selon l’environnement choisi pour les animaux, la largeur des plans, la multitude de couleur variable pour montrer toute l’immensité de cette terre. De même pour les animaux à qui on donnait de l’humanité afin que le spectateur s’y identifie, les plans et les expressions étant tous très parlant (ne serait-ce que l’enlacement entre Rafiki venant présenter Simba le nouveau né et Mufasa fier d’être père et aimé de son peuple en tant que roi, ou un simple plan sur Mufasa et Sarabi solennel en voyant leur fils baptisé par Rafiki).


La version animé en mode photoréalisme échoue sur tout ces plans pour les raisons suivante : en réduisant la couleur à cette aube teintée d’orange sur la savane et en réduisant les plans à ce qui peut être reproduit selon le budget en film live, les environnements sont constamment réduit à un décor presque unidimensionnel. Même la roche de la fierté n’échappe pas à cette impression de monotonie alors qu’il est l’équivalent du trône pour le roi de la Savane (Savane présentée comme un Royaume immense dont le souverain à la charge). Et que dire alors de l’expression faciale des animaux tellement réalistes (la technique est exceptionnelle, il faut bien quand même lui accorder ça) qu’ils sont tous incapable d’afficher une autre expression, alors que les voix en VO comme en VF doivent accompagner les expressions faciales des personnages pour les faire vivre ?


En l’espace d’une seule chanson, Jon Favreau et toute l’équipe démontrent en quoi le photoréalisme est inadéquat avec l’histoire et les partis-pris du film d’origine qui, ici, sont repris ligne par ligne et trait pour trait (avec un Rafiki assis et qui ne se donne même plus la peine de se lever pour présenter l’héritier du trône au peuple). La seule chose qu’on retiendra ça sera la performance de China Moses qui interprète la chanson à sa sauce, mais à son crédit vu qu’elle est très bonne chanteuse on lui accordera que ça fait passer la pilule.


Cette distance entre la technique opté et l’émotion à véhiculer, elle se retrouve constamment dans chaque scène culte repris dialogue par dialogue. Mais aussi dans la relecture tantôt inutile ou dévalorisante des personnages en tant que tel (Nala n’étant plus aussi intrépide et curieuse que Simba lorsqu’ils sont au cimetière des éléphants, Genzhi présentée comme leader des hyènes mais n’ayant jamais un temps à l’écran pour s’imposer ou être épaissie), ou tantôt destructrice à leur égard. On pourra facilement parler de Scar à ce jeu là, surtout pour la reprise forcée et placée en urgence sur commande de Soyez Prêtes : on l’on passe d’un complot musical aux variations colorimétrique ahurissant et plans stylées et parlant à un cimetière bleuté avec toujours la teinte grisâtre en fond digne d’un Marvel lambda du deuxième cycle et une intégration forcée qui aurait pu être frissonnant par son aspect surnaturel, mais est très mal mis en image en enchaînant plan fixe et plan rapproché peu actif sur des décors banals et des hyènes qui acceptent, ici, facilement de faire alliance avec Scar avec qui elles n’ont jamais dialogué auparavant visiblement.


Mais étrangement, ce sont surtout les relectures des sidekicks qui me font peine à voir. En particulier Timon et Pumbaa dont chaque gag devient gênant à redécouvrir avec une technique inadaptée pour leurs scènes comiques (mais qu’est-ce qu’ils vous ont fait mes pauvres ?), mais qui deviennent plus lourdingue que sympathique (Simba n’aide pas non plus puisqu’il rejette leur intervention ici lors de leur première rencontre). Même l’engagement communicatif de Seth Rogen et Billy Eichner au doublage n’apporte pas de changement à cet état de fait, quant à Debbouze et Alban Ivanov si le premier fait des efforts pour se mettre dans la peau de Timon, l’autre a une voix horripilante à entendre pour le phacochère.


Si la technique ne fonctionne pas pour les chansons ou l’humour tout deux sabotés, Jon Favreau ne se donne même pas la peine de la mettre au bénéfice des séquences d’action ou de créer un semblant de dynamisme. L’intervention de Mufasa pour sauver son fils restant limitée à une caméra qui ne bouge jamais suffisamment et une gestuelle totalement limitée par le photoréalisme là ou, encore une fois, la liberté de mouvement accordée par le cinéma d’animation permettait de se libérer de ces contraintes et de jouer avec le décor, les ombres et la gestuelle parfois cartoon des personnages. Ce constat s’applique aussi à la bataille finale qui cumule à la fois le décor réduit, le rallongement inutile des scènes et l’handicap du format limitant l’action comme lorsque Rafiki attaque avec son bâton sans l’excentricité passagère du dessin animé façon moine shaolin qui nous faisait dire "Ok Disney, éclate toi, je suis comblé".


Mais c’est surtout l’écriture qui fait tâche, et à ce jeu là, la balourdise devient une sangsue indécrottable chaque fois qu’il faut meubler pour rajouter de la durée et tenter de cacher un peu plus pitoyablement le mimétisme. Toutes les conspirations de Scar sont si appuyées que l'oncle jaloux devient risible (rien que son premier échanger avec Simba et les détails qu’il apporte sur le cimetière des éléphants), la remise en question du cycle de la vie par Timon et Pumbaa ne sert à que dalle au vu de l’état d’esprit déjà bien reprise de Simba dans le DA. Même le court passage sur la Terre des lions avec le quotidien des lionnes qui était enfin l’occasion d’apporter du neuf par rapport au classique (Zazou n’étant plus emprisonné et Nala prévoyant sa fuite) ne se conclut que sur un dialogue aussi superflu que cliché entre Sarabi et Scar sur la relégation des lionnes au second plan sur la chaîne alimentaire.


On ne peut même plus parler de tentative ou de volonté minimaliste d’apporter des nuances tant ces rajouts ou modifications achèvent de démontrer qu’en tant que remake… ça n’est en tout simplement pas un. Remake signifie refaire en anglais (n’importe quel neuneu connaissant un peu l’anglais le saura), à part l’aspect graphique inadapté tout est indiqué pour le considérer comme une antithèse tant sur le plan du cinéma que sur le plan du simple remake lambda, même par rapport à tout les autres remakes de classique Disney déjà sortis.


Je ne vais pas aller jusqu’à dire que Cendrillon, Le Livre de la Jungle ou Dumbo étaient sans défauts en tant que tel. Mais Branagh comme Burton et Favreau (avant qu’il soit réduit à un simple pantin ici) s’imposaient un temps soit peu pour ajouter une lecture en plus et/ou une nouvelle direction appréciable avec les classiques Disney reprise en live. Même les bousins de Bill Condon et Guy Ritchie avait un peu d’essai de ce côté, ici même pas, tout est fait sous le symbole de la branlette nostalgique parce qu’une grande partie des gens qui contribueront à sa réussite commerciale n’auront jamais tenté de trouver une autre référence dans le cinéma de Disney en dehors de la version animale d’Hamlet de William Shakespeare.


C'est comme imaginer que le public agirait pareil si on prenait la licence Dragon Ball Z pour faire un film en photo-réaliste avec l’arc préféré des fans de cette licence, juste pour récupérer les pépètes derrières et avec une apathie toxique pour vendre la nostalgie aux gens comme ici. Pas que les derniers films originaux Disney étaient incroyable, Casse-Noisette et les 4 Royaumes et Un raccourci dans le temps sont ultra discutable mais il y avait au moins un essai louable derrière, osez me dire un seul instant que c’est le cas avec cette carcasse vide d’absolument tout ! Pas de cœur, pas d’âme, pas de tête pensante, juste un pur produit lissé et arnaqueur qui se fera excuser sous l’excuse du souvenir.


La technique est formidable mais ne répond jamais à l’ambiance que doit donner le récit, les personnages ne vivent jamais réellement tant leur réalisme est froid et souvent mal réécrit, la mise en scène des chansons fait pitié à voir, Hans Zimmer paresse honteusement en reprenant les morceaux musicaux du film original, les séquences cultes n’ont plus la moindre impact malgré le talent des acteurs de la version originale (et la VF ne fait pas honneur au film soit dit en passant) et cette version ne tente jamais de comprendre un instant pourquoi son aîné réussissait ce qu’il entreprenait et comment il pourrait réussir à sa manière. Si c’était le cas, on nous aurait épargné L’amour brille sous les étoiles sous un soleil de fin de matinée avec une absence totale de chimie entre Simba et Nala pour ce qui est de leur romance.


Et surtout si le public principal en question s'ouvrait à d’autres films de la compagnie plutôt que de rester enfermer dans leur bulle et "la référence ultime", on aurait été épargné par ce genre de remake qui n’en est même pas un et si ça c’est censé satisfaire les fans Disney… je ne veux pas être mis dans le même moule. Les fans ne sont pas des bouffons qu’on doit acheter avec des échos de pacotille à leurs souvenirs et en lui donnant uniquement ce qu’ils souhaitent, ni des victimes potentiel à la Kingdom Hearts qu’on peut enfermer dans les ténèbres du souvenir sans rien lui proposer derrière. Au bout d’un moment il serait grand temps de se réveiller, et vite.

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le 24 juil. 2019

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