Le Roi Lion
5.7
Le Roi Lion

Long-métrage d'animation de Jon Favreau (2019)

"Un lion qui copie un lion devient un singe." (Victor Hugo)

J'ai essayé. J'y ai mis toutes les bonnes intentions du monde. Même après la douche semi-froide de La Belle et la Bête il y a deux ans, lorsque j'ai commencé à réaliser les limites de la démarche adoptée par la firme aux grandes oreilles consistant à titiller la corde sensible de la nostalgie pouvant être éprouvée par ceux qui, comme moi, ont été des gamins dans les années 90 - lors de ce que beaucoup ont qualifié chez Disney de "Second âge d'or" - je suis allé voir cette refonte live du Roi Lion de 1994 SANS AUCUN A PRIORI. Et pourtant...


Ce dessin animé, carton au box office il y a vingt-cinq ans, figurera à jamais au panthéon de mes métrages d'animation favoris. Le fonctionnement d'un écosystème, les valeurs familiales, le deuil d'un parent pour un enfant, une philosophie de la vie limitant les soucis, les droits et les devoirs d'un patriarche, tant de leçons et de préceptes qu'une suite de croquis filmée fut capable d'inculquer à des loupiots en bas âge ; à des années lumières des morales bas de plafond et pseudo-écolo gerbées à la gueules des jeunes spectateurs par la plupart des longs métrages d'animation actuels.
Compréhensible donc fut ma légère anxiété lorsque vint le moment d'assister à cette fameuse redite de la Terre des Lions, cuvée 2019.


Et dès les premières minutes, mes craintes se sont confirmées : oui, l'univers du Roi Lion dans ce film a de la gueule ; oui, la savane africaine est magnifique toute en flore et en faune. La madeleine de Proust explose avec les musiques reprises très (trop ?) fidèlement qui se font alors entendre... Mais passé cet émerveillement, on doit hélas se rendre à l'évidence au fur et à mesure que les scènes se succèdent : l'intrigue qu'on nous présente diffère bien trop peu du matériau d'origine... Difficile donc d’être surpris autrement que par l'esthétisme dans la mesure où les seules personnes n'ayant pas pu voir le film de 1994 sont soit des enfants en bas âge, ...soit des ermites modernes.
Mis à part quelques légers changements (choix artistiques parfois pertinents, parfois foncièrement inutiles), le spectateur nanti aura de quoi se sentir blousé dans la mesure où il assistera à une repompe certes plaisante et réussie, mais hélas un peu trop copiée collée de ce qu'il a vu et revu en VHS étant jeunot. Le spectateur néophyte, quant à lui, pourra profiter de cette relecture du début à la fin. On s'interrogera cependant sur un point : même pour les jeunes spectateurs, Le Roi Lion de 1994 ne serait-il pas encore aujourd'hui un bon spectacle ?


Un remake n'est pas systématiquement inutile : nombreux sont les exemples témoignant de leur pertinence ; notamment pour remettre une histoire au goût du jour, avec de meilleurs moyens, quitte même à corriger les erreurs de la première version. Dans le cas des aventures de Simba telles qu'elles sont recréées aujourd'hui, le réalisateur Jon Favreau minimise les prises de risques et préfère s'en référer au matériau de base ; d'aucun diront qu'il s'adonne moins à l'hommage qu'au pillage.. Lui qui pourtant avait réussi à me surprendre agréablement en 2016 avec sa version live du Livre de la Jungle ; notre cher Happy Hogan ne serait-il donc devenu qu'un yes man sans réelle patte artistique ?


Autre point d'importance : le doublage français. Contribuant selon moi à 80% au succès du dessin animé d'il y a un quart de siècle, la question de la pertinence de certains choix artistiques pour ce film avait donné à mon estomac quelques sérieux nœuds.
Jamel Debbouze pour succéder à Jean-Philippe Puymartin dans le rôle de Timon en est le meilleur exemple ; surtout quand on connait la désagréable habitude que ce mec peut avoir à tordre les personnages qu'il double pour les moduler à son image alors que tout le travail d'un bon doublage consiste justement à faire l'inverse de ce processus. Fort heureusement, le bougre s'en tire à peu près correctement en mangouste, et même sa version de "Hakuna Matata" est plutôt plaisante (quand les spectateurs d'une salle de ciné chantent après le film, ou applaudissent lors du générique de fin, c'est que la magie opère ...je suppose).
Les autres comédiens effectuent un travail somme toute propre : Jean Reno qui prête à nouveau sa voix grave et plaisante à Mufasa n'a (à peu près) rien perdu de sa superbe ; et niveau mentions honorables Sébastien Desjours succède admirablement à Michel Prud'homme en Zazu. La nostalgie m'empêchera tout de même d'oublier les prestations immortelles et impeccables d'Emmanuel Curtil en premier Simba adulte, ou même du jeune Dimitri Rougeul qui en assurait la version enfantine parlée et chantée avec brio ; sans parler des regrettés Med Hondo et Jean Piat, intemporels Rafiki et Scar...
Et pour finir sur une note positive : contrairement à l'hérésie constatée dans La Belle et la Bête version live, les chansons originales n'ont pas été trop massacrées dans leur version française. Je regrette toutefois qu'ils aient à ce point tronqué le nouveau jet de "Soyez prêtes" (l'analogie au nazisme de cette séquence dans le premier dessin animé ayant sûrement ébranlé les cadres exécutifs de chez Disney, qui ne voulaient certainement pas revoir des hyènes défiler au pas devant Scar... Encore le résultat de petites testicules dans des beaux costards).


Le spectateur néophyte éprouvera (peut-être) l'émerveillement ressenti par celui ayant découvert le premier film il y a vingt-cinq ans ; ce dernier, quant à lui, saura également prendre son pied devant ce Roi Lion version 2019.. s'il sait faire preuve d'une bonne dose d'indulgence.


Un meilleur constat prochainement avec Mulan ? Je l'espère, sinon l'on finira par se dire devant tous ces dessins animés réimaginés en films la même chose que se dit Simba lorsqu'il regarde la mare pour la première fois :


Tss ..ça n'est pas mon film ; ce n'est que son reflet..

ZolivAnyOne
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le 18 juil. 2019

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Zoliv AnyOne

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