Le Roi Lion
5.7
Le Roi Lion

Long-métrage d'animation de Jon Favreau (2019)

Le Roi Lion, ou le risque qui ne paie pas

On ne peut ne pas aimer le Roi Lion. Classique parmi les classiques, ce film a marqué de son empreinte des millions de personnes à travers les générations depuis la sortie du long métrage en 1994. Il est souvent considéré comme l’un des chefs-d’œuvre de l’histoire du cinéma, certainement à juste titre, grâce à ses personnages attachants et profonds, et grâce aux symboles et aux messages qu’il véhicule. C’est un film qui donne à penser en plus d'être un divertissement familial.
Tentons donc de parler de cette adaptation en « live-action » dans l'ordre. D’abord, il s’agit d’évoquer la récente stratégie des studios Disney de produire des versions en live-action de ses grands classiques. Globalement, je n’y suis pas opposé, cela peut être une bonne occasion pour remettre en valeur leurs grands classiques et en proposer une version modernisée, tant dans les messages que dans la mise en scène. On l’a vu avec Aladdin, les légères modifications apportées au scénario étaient intéressantes et ne diminuaient pas l’impact de l’œuvre originale (nouveau scénario avec Jasmine, apport de Will Smith en tant que génie).


Cependant, ces changements viennent avec quelques sacrifices. En effet, que le réalisateur décide de changer l’histoire ou au contraire d’adapter au pied de la lettre, quasi plan pour plan le dessin animé, il risque de nuire au film original pour plusieurs raisons qu’il ne peut éviter : changement des dialogues et des doublages, version en live-action qui ne permet pas de retranscrire les mimiques, les expressions et les situations comiques ou touchantes du dessin animé, nécessité de supprimer des scènes entières par soucis de réalisme… Cela peut donc être un mal pour un bien (Aladdin) ou simplement un raté (Le Roi Lion).


En reprenant l’exemple d’Aladdin : les animaux (Iago et Abou) apportaient réellement beaucoup moins à cause du besoin de réalisme. Cela doit être magique, mais réel. On peut conserver un tapis volant à la forte personnalité, mais on ne peut pas faire parler un perroquet. Alors a-t-on envie de démystifier les références de notre enfance au profit de quelques belles images ?


Ce qui va différencier une bonne décision d’adaptation d’une mauvaise est donc l’œuvre que Disney choisira d’adapter. Ce choix capital déterminera quasiment à lui seul la qualité finale de la production. Pourquoi ? Parce que si l’on peut facilement envisager de modifier quelques aspects (visuels comme scénaristiques) d’Aladdin, du Livre de la Jungle, de Dumbo, on le peut beaucoup moins pour un film comme Le Roi Lion. Parce que Le Roi Lion dépasse le statut de bon ou très bon divertissement, c’est un mythe. Donc soit on l’adapte au pied de la lettre au risque d’être fade, soit on change beaucoup de choses pour se différencier et potentiellement offrir quelque chose de plus et de différent. Malheureusement, Jon Favreau a choisi la première option. Le risque immense d’adapter ce monument n’est donc pas payant. Car les petits ajouts et les visuels ne font pas oublier tout ce qu'il manque et tout ce qu'une adaptation en live action sacrifie.


Ce n’est pas raté, parce que comme je l’ai dit, jamais on ne pourra être triste d’avoir vu le Roi Lion. Mais c’est décevant et globalement frustrant. Parce qu’on ampute un grand film d’une grande quantité d’éléments qui le rendaient exceptionnel en animé. Peut-être que pour toutes ces raisons : l’obligation d’enlever ces éléments, d’ajouter du réalisme à outrance, de sacrifier des moments culte, montrent qu’adapter un dessin animé entièrement composé d’animaux n’est pas une bonne idée.


Entrons maintenant dans le vif du sujet : pourquoi n’ai-je pas aimé le Roi Lion ?
Précision : je n’ai jamais vu Le Roi Lion, comme beaucoup de films de mon enfance, en version originale. Bien que la VO semblât intéressante, j’ai préféré aller le voir en VF pour pouvoir mieux comparer et analyser les différences.


Tout d’abord, il faut avouer que la quête de réalisme donne des images époustouflantes de précision. C’est beau, et certaines scènes sont vraiment sublimées par le numérique. La scène d’ouverture notamment est magique, et me permet de souligner que la musique remasterisée est également satisfaisante. Saluons également le retour de Jean Reno en Mufasa, et le doublage de Scar, qui, malgré le fait qu’il peine à faire oublier le doublage original, est bon. C’est poignant par moments, émouvant parfois, drôle occasionnellement, là où l’original était poignant, émouvant et drôle.


Mais le film souffre beaucoup trop des doublages inégaux voire vraiment mauvais des personnages principaux, mais aussi et surtout de cette mise en scène certes belle mais trop réaliste, qui passe totalement à côté de l’esprit de l’œuvre originale. Parlons d’abord doublage. Le casting de stars marche peut-être en anglais, mais alors pas du tout en français, avec comme point le plus noir du film : Rayane Bensetti en Simba. Un doublage horrible, qui nuit à la personnalité et au développement de Simba. Aucun semblant de crédibilité à partir du moment où il revoit Nala et décide de revenir. Simba est transformé en pré-adolescent puéril. Pareillement, Jamel en Timon, qui est loin du personnage du dessin animé. Ici, ce n’est pas le doublage en lui-même qui me dérange mais les dialogues qui ne rendent pas du tout justice au personnage de Timon, bien plus drôle et intéressant dans l’original. Le doublage de Pumba est assez inégal mais sauve les meubles, et les hyènes… Bref.


Venons-en à ce qui fait que ce film passe à côté : les sacrifices. Enlever la réplique « Monsieur Porc », changer les dialogues de la scène d’énervement de Pumba, choisir une alternative bien pauvre à la scène de Timon en vahiné, un manque d’humour, de charisme des personnages global… Le film – tout cela à cause de son postulat – ne pouvait pas capitaliser sur les éléments touchants et humoristiques du dessin animé, qui se basaient sur des dialogues mis en avant par l’animation de l’époque : grimaces, mouvements, couleurs, dessins des autres animaux. Tous ces éléments sont absents parce que c'est impossible de les inclure. Même durant les chansons, on ressent ce manque : aucune couleur vive pendant "Je voudrai déjà être Roi", très peu d'émotion et d'ambiance visuelle dans "L'amour brille sous les étoiles", et moins de vagues positives et drôles dans "Hakuna Matata". Les dialogues de Zazou ont beau être les mêmes, ses grimaces et son allure manquent cruellement. Les hyènes sont tellement moins expressives qu'elles sont réduites à des rôles de figurantes. Les exemples s'enchaînent, sur quasiment tous les personnages.


Pour palier tous ces manques, ce film a voulu capitaliser sur autre chose. Si on ne peut pas utiliser la sphère des possibles d’un animé, alors ajoutons de l’humour à des endroits où il n’y en avait pas, via une mise en scène grossière visant exclusivement à faire rire des enfants. Deux exemples me viennent en tête : lorsque Pumba lance sa fameuse phrase « Je déclenche une tempête, à chaque fois que je p.. » interrompu par Timon dans le dessin animé, parce qu’il ne faut pas brusquer Simba – un enfant – avec des grossièretés (ce qui en soit est déjà un message positif ruiné par cette nouvelle version), Pumba est dans cette version autorisé à finir sa phrase parce que les pets – c’est drôle. Pareillement, lorsque Rafiki trouve une touffe de crinière de Simba, ce qui l'informe qu'il est toujours en vie et que l'espoir peut enfin revenir sur la Terre des Lions, le voyage de ce bout de crinière passe par une crotte de girafe puis par un bousier parce que le caca – c’est drôle. Dans l’original, pas de bousier, mais de la poésie.


Et voilà la conclusion de cette critique. Là où l’original sait rester poétique, cette version est brusque. Lorsque l’original est drôle, cette version est terne. Lorsque l’original est inspirant, cette version est acceptable. Alors que j'avais réellement apprécié les changements dans Aladdin, car ils étaient intelligents malgré quelques défauts, je refuse de croire que cette adaptation du Roi Lion était la meilleure option envisageable. Sans couleurs, sans sourires, sans rires, sans larmes... ce n'est plus vraiment le Roi Lion. Bien que j’admire toujours le scénario et ce qu'on peut interpréter grâce à cette histoire magnifique, je resterai fidèle au dessin animé, sans jamais, je pense, revoir cette adaptation.


Alors, je ne sais plus quoi penser de ces adaptations Disney à la pelle. Mulan semble proposer quelque chose de différent, tant mieux. Et j'imagine que l'avenir nous dira si Disney apprendra de ses erreurs, où s'ils gâcheront à la Star Wars d'autres de leurs grands classiques.

CptGrayson
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le 23 juil. 2019

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