Le Roi Lion
5.7
Le Roi Lion

Long-métrage d'animation de Jon Favreau (2019)

Incroyable fable contre-révolutionnaire

    Rien d’étonnant à ce que ce dessin animé américain soit en fait une critique de l’URSS. Le hyènes représentent clairement les bolcheviques: elles sont une armée homogène qui défile devant Scar en tournant la tête vers lui, ce qui etait la spécificité de l’armée rouge  défilant sur la place rouge en tournant la tête vers la tribune présidentielle (c’est encore la manière de défiler de l’armée russe). La désertification du royaume des lions par les hyènes renvoi également à la famine en URSS. Tout comme l’assassinat de Mufasa par Scar peut évoquer l’assassinat du Tzar Nicolas II par Lénine le chef des bolcheviques (dans la réalité Lénine a fait aussi assassiner les héritiers de Nicolas II, tandis que Scar ne parvient pas à faire assassiner Simba qui prend la fuite) . 
Il s’avère que trois hyènes possèdent une personnalité propre: Shenzi, Sarabi et Ed. Et il est intéressant de relever qu’en langage Swahili, « Shenzi » signifie « barbare », et « Sarabi » signifie « mirage ». Le bolchevisme n’était-il pas une politique barbare dans la poursuite d’un mirage idéologique? Quand à Ed, son nom ne signifie rien, et son attitude n’a pas plus de sens: c’est une débile enragée (elle symbolise l’inconscience de tous les coupables au service de ce régime qui fut le plus criminel de l’histoire, sans doute).
La surprise de ce dessin animé réside dans la réponse que les amérloques des studios Disney apportent face au communisme: c’est la restauration monarchique. Et nous voyons que tous les personnages de cette histoire incarnent les ordres de l’Ancien régime (Tiers-Etat/Noblesse/Clergé).
Suite à son évasion, Simba est un jeune prince en exil. Il rencontre alors Timon et Pumba. Ces deux personnages incarnent très clairement le Tiers-état prolétaire. Leurs manières sont moins distinguées que celles des lions-aristocrates. Et ils ont développé une certaine attitude sans tabou: ils incarnent à merveille l’esprit paillard et autogestionnaire. Ces deux roturiers ne rêvent pas de révolution: ce sont des individualistes qui ont une vision de la vie dénuée de tout idéalisme. Donc évidemment, ils rejettent toutes les contraintes. Ce sont en fait des anarchistes, qui détestent les hyènes bolcheviques qu’ils perçoivent comme des oppresseurs (lire Hommage à la Catalogne de Georges Orwell pour voir le dégoûts des anarchistes envers les communistes). Ils vivent dans la jungle, qui semble être une terre de non-droit, sans autorité régnante. Ces deux libertaires vivent simplement en harmonie avec la nature, et échappent à tout impératif de production/consommation. Ils entretiennent un rapport charnel avec leur pays réel, contrairement aux hyènes révolutionnaires (et donc productivistes) qui brisent l’équilibre de la nature.
Timon et Pumba ont recueilli Simba lorsque celui-ci a fui le royaume des lions, et ils l’ont détourné de son identité royale en lui faisant découvrir les plaisirs charnels de la vie. Le fait que Timon et Pumba soient des herbivores marque leur infériorité sociale face aux lionnes-guerrières. Les herbivores sont dominés par les carnivores comme les paysans étaient dominés par les nobles. D’ailleurs, dans les premiers instants où ils recueillent Simba, Timon lime les griffes du jeune lion: ce geste est très symbolique car il efface la différence de rang social entre eux. Ce geste signifie que Timon et Pumba ne considèrent pas Simba comme un lion aristocrate et carnivore qu’ils doivent servir, mais comme leur égal.
Ils l’initie donc à leur mode de vie: ils retournent la terre pour faire sortir les insectes dont ils se nourrissent, comme les paysans cultivaient leurs champs pour faire jaillir des céréales. Dans le vrai monde animale, les phacochères labourent effectivement le sol pour se nourrir (comme les sangliers), tandis que les suricates creusent des galeries souterraines. Ces deux animaux sont donc tout-choisis pour incarner le prolétariat aussi bien rural qu’industriel: Pumba serait donc un laboureur des champs (il est le plus « arriéré » des deux compères, pour ne pas dire le plus « campagnard ») tandis que Timon serait un ouvrier des mines, le symbole même de l’ouvrier contestataire depuis Germinal de Zola (et il est le plus subversif des deux personnages). Mais ce n’est peut-être pas une image volontaire de la part des auteurs du film! A ce stade, Simba vit avec Timon et Pumba comme un roturier: sans chasser et sans devoir tenir son rang social.
Les lionnes incarnent la noblesse. Elles sont l’entourage familial du Roi-lion. Ce sont des carnivores, c’est à dire des combattantes. Les lionnes vont à la chasse comme les nobles d’autrefois (la chasse étant interdites aux roturiers sous l’Ancien-Régime, car c’etait un privilège de la noblesse). C’est d’ailleurs en allant chasser dans la jungle que la lionne Nala retrouve Simba et lui apprend que la terre des lions a sombré dans le bolchevisme intégral.
Et c’est en revoyant le vieux singe Rafiki que Simba retrouve la Foi en son destin, et décide de retourner au royaume des lions pour affronter Scar. Rafiki incarne le Clergé catholique. C’est lui qui baptise Simba à sa naissance, en lui marquant le front avec le jus d’un fruit (référence au baptême chrétien où le front du bébé est marqué d’eau bénite par le prêtre). Rafiki est un être contemplatif, emprunt de spiritualité: il est le seul a avoir ressenti que Simba etait toujours en vie. Physiquement, les poils de son menton évoquent une barbe blanche, symbole de sagesse. Rafiki ne se sépare jamais de son grand bâton, et ce bâton est l’instrument iconique du guide spirituel : on pense au bâton de Moïse, à la crosse épiscopale des évêques, ou à la férule du pape. De plus, Rafiki vit reclu dans un énorme baobab comme dans un monastère. Ce grand édifice vertical peut aussi évoquer une cathédrale.
Dans la société chrétienne, on distingue « l’Autel » qui est le lieu du pouvoir spirituel (c’est à dire l’église) et « le Trône » qui est le lieu du pouvoir politique (c’est à dire le château). Les deux lieux symboliques dans le Roi Lion sont donc le Rocher en forme de trône d’une part (le château des lions), et le baobab-cathédrale de Rafiki d’autre part.

En tant que prêtre, Rafiki élève Simba au sentiment de la transcendance: lorsque Simba se plaint de la mort de son père Mufasa, Rafiki lui enseigne que son père vit toujours à travers lui. C’est une forme confuse de sentiment d’éternité. Et l’apparition de Mufasa dans le ciel évoque aussi l’idée d’un au-delà depuis lequel l’âme des défunts veille sur les vivants (le paradis chrétien). Et ce sentiment de foi pousse Simba à reconquérir son royaume. Le singe-prêtre Rafiki a une influence positive sur Simba: il lui fait ressentir le devoir de fidélité envers son père Mufasa. Ce rôle est à rapprocher d’un autre personnage qui a eu une influence sur Simba étant enfant: son oncle Scar. Mais Scar avait une influence inverse: il voulait que Simba désobéisse à son père Mufasa.
Scar représente l’ennemi de la société, le Diable. Physiquement, sa barbiche pointu peut évoquer celle du baphomet. Sa crinière noire lugubre le distingue de la crinière rousse de Simba et Muphasa. Et la scène où Scar appelle son armée de hyènes au milieu des geysers de lave évoque clairement une vision de l’enfer (voir le tableau Pandémonium de John Martin, représentant Satan appelant l’armée des démons à le suivre). Scar est aussi le seul personnage à avoir les yeux verts. D’un vert très vif, qui lui donne un regard surnaturel, et qui renforce son aspect maléfique. Selon l’historien médiéviste Michel Pastoureau, la couleur verte avait une connotation maléfique dans la société chrêtienne: « Le vert, c'est la couleur de Satan, du diable, des ennemis de la chrétienté, des êtres étranges » [voir le lien à la fin].

Et on peut dire que les intentions de Scar sont intégralement maléfiques: il ment, il manipule, il tente Simba enfant, il fait des secrets, il assassine le Roi par jalousie, il tyrannise tous les animaux, et il se bat lâchement contre Simba adulte.


Simba se voit donc revenir au pouvoir en étant appuyé par une noblesse royaliste (Nala et les autres lionnes) ainsi que par des prolétaires anarchistes (Timon et Pumba). La collusion de ces deux camps politique a d’ailleurs existé en France, durant l’entre-deux guerres au sein du Cercle-Proudhon, afin de tenter de combattre… le communisme. Ainsi l’armée rouge des hyènes est chassée, et la prospérité économique revient. Rafiki l’évêque-babouin qui a aussi pris part au combat (à la manière du clergé bouddhiste cette fois-ci, en maitrisant le kung-fu tel un moine Shaolin), intronise Simba sur le trône royal. Le couronnement d’un roi chrétien étant une cérémonie religieuse célébrée par un haut responsable de l’Eglise. 
Au delà de la représentation de la société d’Ancien-régime, on peut voir dans le Roi-Lion une représentation biblique. Les chrétiens considèrent que le vrai roi du Monde n’est autre que le Christ. Or le Christ est représenté dans sa puissance sous la forme d’un lion appelé « le Lion de Juda », car le Christ est sensé être un descendant de la tribu de Juda. D’ailleurs, dans la Génèse, Juda lui-même etait appelé « Jeune Lion » par son père Abraham. Le jeune lion Simba serait alors la figure du Christ-Roi gouvernant le monde après avoir vaincu le mal.

Cqfd


[ Le lien vers l’article sur la couleur verte :p
https://www.telerama.fr/idees/le-vert-aux-origines-d-une-couleur-rebelle,104955.php ]

Moi_mem
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le 20 août 2019

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