D'abord dans un premier temps j'en suis ressorti hyper frustré, quant au fait que rien ne soit véritablement résolu avec cette fin en queue de poisson digne de Zodiac ou de memories of murder.


En fait, j'ai limite ressenti ça comme de l'escroquerie, dans le sens où ce qui relançait constamment l'intérêt du récit, c'était ces péripéties étranges, cette quête de l'identité du/des coupable(s), bref ce whodunit qui marche très bien, avec cette atmosphère paranoïaque quasi the thingienne.


C'est vraiment ce qui m'a embarqué dans le film, parce que tout l'aspect vie de société dans un village aux pratiques féodales, le poids de la religion, du patriarcat, c'est certes très réussi, mais le traitement n'est pas neuf (Fanny et Alexandre est bien plus puissant sur la question du prêtre psychotique / Cf aussi les nombreux parallèles faits par d'autres avec Dreyer), et on n'est jamais loin du lieu commun, avec des personnages franchement horribles/odieux et assez unidimensionnels.


Mais c'est à nuancer, parce que même les plus odieux des personnage ne sont pas forcément totalement condamnés, il y a des scènes qui tranchent avec la dureté de l'ensemble.
Par exemple les scènes entre le pasteur et son fils cadet, relatives à l'oisillon, où l'émotion commence à poindre le bout de son nez jusqu'à ce qu'Haneke coupe la scène (ben oui, faut pas déconner, faudrait pas se mettre à voir l'horrible pasteur chialer). Il semble possible, même dans l'obscurité la plus complète, de déceler très brièvement une étincelle d'humanité.


Pareil pour le docteur, bien qu'étant l'atrocité incarnée, il décide de quitter l'hôpital où il est reclus pour tenir compagnie à son fils auquel il manque.
Des petits moments comme ça qui nuancent un point de vue trop définitif qui qualifierait Haneke de monstre sadique massacrant consciencieusement ses personnages sans la moindre pitié.
Et puis évidemment, impossible de ne pas mentionner l'ébauche d'histoire d'amour entre l'instit et la jeune gouvernante, qui est très belle, incroyablement pudique en raison du cadre étouffant et des conventions, et où la mise en scène consistant à dilater les durées des plans prend tout son sens et gagne toute sa force(cf par exemple la merveilleuse séquence de calèche et du baiser volé).


Un petit mot sur les enfants : le traitement est extrêmement intéressant, en ce sens qu'il est très difficile pendant un bon moment de les distinguer les uns des autres, ils sont une espèce de masse informe de diablotins grouillants dans les prés du village, qui contaminent tout sur leur passage, et participent à la réussite de l'atmosphère paranoïaque/inquiétante/angoissante du film..


Enfin la real est extrêmement propre, clinique, assez froide (mais pas au point du sclérosant), avec des enchaînements de montage très malins (dans l'enchaînement des situations avec des enfants/parents distincts qui se substituent brutalement, ce qui brouille les repères, car dans un premier temps il arrive bien souvent qu'on ne sache pas qui est filmé/où c'est filmé, ce qui laisse souvent un trouble, comme s'il y avait toujours une continuité avec cette impression de voir un village uniforme, unitaire, hyper malsain, incestueux, où tout se mélange, tout se consume).


Allez, pour chipoter, je regrette parfois un certain systématisme, notamment en ce qui concerne le travail (néanmoins intéressant) sur le hors-champ assez ostentatoire qu'on voit venir bien à l'avance et qui semble du coup un peu artificiel (par exemple quand la caméra se pose au milieu d'un couloir et que les seuls mouvements de caméra accompagnent le déplacement d'un gamin dans le champ, qui finit par disparaître derrière une porte, ou dans l'obscurité d'un escalier, mais que tout se passe hors-champ, la première fois c'est cool, la seconde, c'est un chouïa lourd).


Bref au bout du compte, bien que je ne connaisse pas la carrière d'Haneke, il ne me semble pas qu'il soit si méchant que ça dans le cadre de ce film.

KingRabbit
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le 10 oct. 2016

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