Le dernier film de Tarkovski se situe dans une continuité étrange de Nostalghia. Fuyant l'art soviétique grâce à son talent, c'est avec un terreau suédois très inspiré de Bergman qu'il nous impose cette fois ses arguties. Chez lui, l'humanité semble souffrir d'un mal unique qui prend une forme différente à chaque fois. Osé-je dire qu'il ne pouvait pas connaître plus belle fin qu'en visionnant son film sur son lit de mort ? Il pourrait avoir scénarisé sa propre vie...
Trop marginal pour faire dans l'historique, il ne s'agit pas un film sur la seconde guerre mondiale. Quand la télé qui attire tous les yeux soucieux s'arrête et que l'électricité se coupe, c'est un conflit invisible mais final qui débute, une apocalypse intemporelle cristallisant l'entièreté de sa limpide symbolique : la peur. La terreur. Absorbé par le décalage montré entre le calme d'une Suède reculée et la frénésie causé par l'annonce du conflit mondial, le spectateur n'a d'autre choix que de s'enfoncer en même temps que les personnages dans une folie qui n'a rien de l'acception terne et monocorde du cinéma psychologique « habituel » (Bergman compris).
Ce qui intéresse Tarkovski, c'est l'impact du global sur l'esprit individuel : l'esprit écrasé par quelque chose qui le dépasse, et duquel il recherche le corollaire dans la spiritualité. Pas étonnant qu'Erland Josephson trouve l'acceptation dans le yin et le yang, représentés ici par le seul équilibre qui sache perdurer entre superstition et cataclysme : le fanatisme. Tout cela vaut la peine de subir quelques lenteurs, surtout quand, de nouveau et pour la dernière fois, Tarkovski fait parvenir à nos yeux des merveilles de minutage.
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