On a tendance à l'oublier tellement il est facile de tirer sur l'ambulance depuis à peu près le milieu des années 80, mais Alain Delon fut autrefois (comprendre les années 60-70) un acteur, et un assez bon, qui mettait son image au service du film et non l'inverse, et amenait toujours une certaine classe, une certaine prestance.
Dans Le Samouraï, cet aspect est poussé à l'extrême par Jean-Pierre Melville, maître absolu du polar noir français. Delon apporte sa silhouette, sa prestance à ce personnage solitaire, quasiment muet, qui voit soudain tout son univers s'écrouler.
Car, dans le fond, c'est là toute la base, tout l'enjeu. Comment jouer une partie dont les règles changent brutalement à cause d'un seul petit détail ? Jeff, le tueur à gages quasi parfait, à la discrétion absolue, le chasseur ultime, devient le chassé.
Chez Melville comme chez John Woo plusieurs années plus tard, il n'y a pas de gentils et de méchants, juste des hommes qui se battent pour vivre, et des femmes qui ont un place importante, dans un sens ou dans un autre.
Dans le fond, Jeff court après un semblant de vie, tout en suivant ses propres règles de façon inflexible, et cette course trouve une conclusion logique...
Et Melville magnifie tout ça par sa réalisation lente, millimétrée, bourrée de plans séquences habilement chorégraphiés, et sa photographie toujours bien choisie.
Le Samouraï n'est pas nécessairement un film facile à appréhender, tant Melville ne nous dit rien de ce qui a mené à ce qu'on y voit, mais il vaut plus que largement le coup d'œil pour tout ça. Et quand on sait qu'il a inspiré The Killer puis Ghost Dog, on comprend qu'on a affaire à un incontournable. Et c'est en effet le cas, c'est du très grand Melville.
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