Enfin un film simple et touchant dont la nonchalante avancée vous porte vers une fin douce amère dont seule la vie a le secret.

Tasogare Seibei —dernier film coup de cœur depuis des lustres, est aussi humble qu’il est dense, aussi sincère qu’il théâtralise avec décors et costumes d’époque une destinée, un voyage dans la vie, que peu de films arrivent à dépeindre avec tant de justesse.

Je dois avouer que je ne pensais pas être autant touché par ce film, qui commence d’ailleurs de façon assez austère par des images sombres illustrant un contexte peu gai; la réalisation des premières minutes semblant hésitante et le procédé de la voix-off que je trouve de plus en plus irritant y ajoutant encore un peu de scepticisme.

Pourtant, très tôt quelque chose opère.

Cette musique qui mêle nappes de synthé, instruments et percussions traditionnelles, et apporte cette touche si particulière, cette liberté de ton en décalage avec notre cinéma occidental qui m’a fait dire à voix haute, seul devant mon écran à l’apparition du titre : « J’aime le cinéma asiatique... !». (le cri du cœur)

Ce crépuscule baignant de sa lumière libératrice et consolante un héros taciturne, humble et attachant.

Cette destinée contée avec tendresse par une voix d’adulte décrivant ce qu’ont vu les yeux d’une enfant.

Le léger succédant au tragique, le rire et la tristesse, le poids du devoir et de l’honneur emportés par le tourbillon du temps, lui même ponctué d’instants de grâce et de suspens.

J’ai souri devant certaines situations savoureuses, puis j’ai reconnu ces moments de doutes, de choix à faire et de décisions à prendre, et j’ai admiré ce héros si humain : indécis, grave, qui perd un temps qui nous est pourtant si précieux à tous, à réfléchir et peser.

Ce crépuscule encore une fois ; celui d’une ère, d'une époque, des traditions, des moments chers de l’enfance, celui d’une vie.

Un très beau film qui a la simplicité de ne pas galvauder son propos mais l’illustre avec beaucoup d’humilité et d’humanité. Hiroyuki Sanada, très touchant en père aimant faisant fi des crasses de la vie, campe un personnage libre mais au sens du devoir exacerbé, nageant à contre courant mais fidèle aux autres et à soi, tel un ronin à l’honneur sauf.

Ca fait du bien, une fois de temps en temps, de se laisser porter par un film qui vous atteint doucement, vous embrasse et vous laisse sur un lit ; tout mouillé, tout rafraîchi, avec un peu de cette fatigue agréable d’une fin journée bien méritée.

Créée

le 9 sept. 2012

Modifiée

le 10 sept. 2012

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