Avec cette première incursion dans le film de gangsters, Hideo Gosha s’approprie déjà le genre et l’accommode à sa sauce. Des plans très structurés, une mise en scène que l’on peut considérer comme expérimentale – avec ce générique filmé en négatif qui introduit bizarrement son schéma narratif - échappant aux standards de la série B classique pour exposer une sorte de composition esthétisante qui donne à ses œuvres ce style si particulier de grand chambardement des canons habituels. Et cette première rencontre avec Tatsuya Nakadai, acteur tragique par excellence du cinéma nippon, qui finira par aboutir à son chef d’œuvre, Les Loups, grande œuvre chevaleresque crépusculaire.


Quand on aborde le thème du film de gangsters dans le cinéma japonais, on pense souvent aux films de yakusas, dit yakuza-eiga pour le pendant contemporain et au ninkyo-eiga pour la version plus chevaleresque et héroïque, sorte de croisement avec le chambara, autre genre typique du cinéma nippon, nous reviennent alors en tête les images des gangsters enragés et hystériques chers à Kinji Fukasaku, ou aux mix jazzy ultra-stylisés de Seijun Suzuki par exemple. Avec Le Sang Du Damné, Gosha emprunte plus, de par son ambiance et la structuration de ses personnages, au film-noir américain.


Tatsuya Nakadai y interprète un personnage de loser sur la voie de la rédemption, définitivement marqué par le poids de la culpabilité qui tente de racheter sa conduite passée et qui n’aura de cesse de structurer ses actes par rapport à ça. Son chemin de croix sera tout du long, accompagné d’une musique mélancolique, d’une composition visuelle très travaillée et d’une ambiance sombre et mélancolique, autant d’artifices, jamais pompeux, qui donneront à ce film ce style si particulier.


En orfèvre de la déstructuration des standards habituels des divers genres qu’il abordera, Hideo Gosha aura su imprimer sa marque propre à chacune de ses œuvres. Souvent pour le meilleur, 3 Samouraïs Hors-La-Loi, Les Loups, Goyokin, Hitokiri, autant de films définitifs qui auront marqué les genres auquel il aura touché, parfois avec beaucoup moins de réussite quand il aura tendance à vouloir réinventer à outrance, voir l’atroce Death Shadows. Le Sang Du Damné, tout en étant pas aussi définitif que les autres œuvres précitées, s’inscrit néanmoins dans la même démarche de déstructuration-reconstruction et d’accommodation à la sauce Gosha et propose un beau portrait d’homme torturé par le poids du passé qui endossera la parure chevaleresque du rédempteur afin de racheter sa conduite.

philippequevillart
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le 25 mai 2019

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