Je pense que l'erreur fondamentale du film est de prendre le point de vue de l'handicapé.
Un rédacteur en chef de Elle, après un avc, reste paralysé. Il ne lui reste qu'un oeil valide, et le clignement de paupière pour communiquer. Avec ça, il va réussir à écrire (faire écrire plutôt), un livre. Le tout est en grande majorité filmé du point de vue du paralysé, avec des flous, une caméra qui tangue, des effets relativement pertinents. En même temps, le cadre rectangulaire de l'écran de cinéma ne reproduit pas le champ de vision humain, et déjà là, pour moi, des fois ça coince, ça ne fonctionne pas.
Basé sur une histoire vraie, le livre semble suivre le livre, et j'aurais préféré qu'il s'en inspire, qu'il explore les personnages autour du paralysé, et même en dehors de lui, quand il n'est pas là. Je ne pense pas que nous mettre cinématographiquement dans la peau d'un handicapé nous rapproche de lui. Il y a trop de choses qu'on ignore de sa vie, et le cinéma a aussi ses limites.
J'aurais aimé qu'on s'attarde sur son ex-femme, de laquelle il dit "C'est n'est pas ma femme, c'est la mère de mes enfants" (brutal quand même, surtout qu'elle va rester à ses côtés), sur le personnage d'Henriette Roi qui met au point avec lui une façon de communiquer, sur celui de Claude qui aura la patience d'écrire son livre, sur l'homme (dont on ne sait rien) qui vient lui faire la lecture, sur ces monstres de dévouement.
Parce que ok le type il a écrit un livre malgré ses limites, ok il est paralysé, ok c'est son point de vue et c'est normal, mais en même temps, le film lui, aurait pu explorer large. Parce que le point de vue subjectif finit par peser, il y a des longueurs, et si certains passages peuvent nous mettre un peu dans sa peau, la plupart du temps le réalisateur semble coincé par son parti-pris. La voix-off a tout bout de champ, le type qui est heureux que de belles femmes s'occupent de lui et toutes sortes d'autres pensées banales viennent alourdir le film par leur évidence vide d'intérêt.
Henriette Roi bouleversée quand il lui communique qu'il veut mourir, son ex-femme tout en déchirement contenu quand ce qu'on imagine être la maîtresse du paralysé téléphone (pas d'éclaircissements !), ces personnes qui sont plus qu'elles-mêmes, deviennent plus qu'elles-mêmes pour accompagner un homme démuni, ces personnes qui ont permis au livre d'exister, ces points de vue là ne comptent pas ?