Univers tentaculaire, beauté encyclopédique, musique ensorcelante, travail de reconstitution mirifique, personnages abondants, prestations haut de gamme, Le Seigneur des Anneaux : La Communauté de l'anneau a tout du chef d’œuvre total. Agencement naturel et divin dans un écrin de luxe : la qualité de l’étalonnage avec ses teintes lumineuses ainsi que le grain analogique offre à l’ensemble une aura surnaturelle.

Ce qui relève du principal tour de force, c’est la géographie claire, lisible de l’œuvre, qui n’est pas labyrinthique, confuse ou mal amenée. Peter Jackson en met plein la vue sans que l’exercice n'en devienne fastidieux, comme s’il ajoutait les couches d’un gâteau qui ne deviendrait jamais écœurant.

L’art de la présentation (des lieux, des peuples, des écosystèmes, des coutumes) impressionne, et l’on prend plaisir à toujours découvrir une nouvelle contrée, qu’elle soit confinée, intime, étriquée, protégée, menaçante, souterraine, ouverte, étendue, immense.

« The world is changed. I feel it in the water. I feel it in the earth. I smell it, in the air... »

Le prologue est déjà un petit chef d’œuvre en tant que tel, un court métrage dans le métrage, qui expose l’état des lieux et la situation préliminaire avec sa montée en puissance extraordinaire, promesse d’une épopée dense et homérique.

Les moments de bravoure sont ensuite nombreux et d’une maîtrise qui force le respect, en alternant quiétude, tension dramatique, accalmie, ou climax spectaculaire. Que ce soit la prière elfique d’Arwen au pouvoir d’évocation impressionnant, qui déclenche une cascade de chevaux après la poursuite haletante des spectres noires, le réveil de Frodon en plein cœur d’un Fondcombe immaculé sous les vocalises apaisantes d’Howard Shore, la bataille tournoyante des deux magiciens, la plongée caverneuse dans les mines de la Moria avec ses galeries funéraires, le face à face prophétique entre Gandalf et le Balrog, tout a été fait à travers des plans qui ont été choisis avec la plus extrême des exigences.

Par ailleurs le travail narratif est remarquable. L’intrigue ténébreuse est déployée de façon graduelle avec ses dialogues mystiques et affecte le destin de chacun des personnages via cet objet unique, un anneau, chaque fois évoqué comme déterminant, menaçant et paradoxalement utile. Les portraits percutants défilent, que ce soit le visage cinégénique de Frodon, un trésor pour la caméra, les silhouettes graciles des elfes, le maquillage pittoresque des nains et des magiciens, la virilité des hommes, la bonhomie et la roublardise des Hobbits, le design cryptique de Sauron, le style occulte de Gollum…

Intimité, démesure, chaos, secrets, obsession, menaces, attractions, répulsions, magie, exploits, tragédies... Le champ lexical du film évoque une réussite qui joue sur plusieurs tableaux, objet de toutes les interrogations et de tous les fantasmes. Les deux épisodes suivants sont suggérés avec un suspens aussi frémissant qu’épique et poignant. Préparez-vous : l’aventure ne fait que commencer.

OkaLiptus
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le 5 août 2023

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Oka Liptus

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