"Même la plus petite personne peut changer le cours des choses"

Ici est la fin de toute chose. La conclusion d'une des plus grandes sinon la plus grande épopée transcrite sur grand écran, l'achèvement de la trilogie la plus décorée par les oscars, au total 17, dont 11 pour ce seul film, qui rejoint le panthéon très fermé comportant seulement trois films récompensés à ce point (tout en sachant que le dernier volet du Seigneur des Anneaux arrive à renvoyer au second plan ses congénères tels que Titanic ou Ben Hur); mais qu'est ce qui fait donc du Retour du Roi un tel aboutissement ?


Tout d'abord des images magnifiques, dues en partie à un bon dosage entre images naturelles et numériques, déjà en vigueur dans les deux précédents volets, et qui évite que le film parte dans une caricature sur fond vert. Un tour de force mélangeant les prouesses techniques, telles le réalisme bluffant du personnage de Gollum ou la scène de l'araignée dans le tunnel, et les paysages magnifiques provenant de Nouvelle Zélande qui ajoutent une dimension homérique et poétique au film. Tout indique que Le Retour du Roi ne vieillira pas avant longtemps sur le plan visuel... D'ailleurs 15 années plus tard il n'a toujours pas vieilli, au contraire d’œuvres de la même époque comme la prélogie Star Wars qui présente des lacunes sur ses effets numériques.


Les interprètes sont ici au sommet de leur art, Viggo Mortensen nous offre un Aragorn qui a à présent l'envergure d'un Ben Hur, né pour être roi, l'héritier d'Isildur nous offre la représentation typique de ce que le héros dans le registre de la Fantasy devrait être, la prestance, la classe, le charisme à l'état pur. Elijah Wood monte d'un cran dans son jeu, torturé par son fardeau, la souffrance de Frodon transcende l'écran pour nous mettre en pleine face l'influence maléfique de l'anneau, on sent que le hobbit en bave, qu'il sombre de plus en plus lentement dans les ténèbres et le désespoir au fil des scènes. Et sans oublier son fidèle compagnon Sam puissamment interprété par un Sean Astin plus attachant que jamais et l'horrible Gollum, inconcevable s'il n'était pas interprété par Andy Serkis, acteur lui même inconcevable sans ce rôle qui a changé sa carrière... Eowyn, dame du Rohan, décidément dernier rempart de la féminité (avec Arwen) et dernier rempart du féminisme dans cet univers sombre majoritairement masculin, était déjà magistrale par sa présence dans Les Deux Tours, et est magistrale par ses actes dans Le Retour du Roi, grâce à la performance de Miranda Otto.
Gandalf, égal à lui même, enterre tous les magiciens barbus et bienveillants apparus sur grand et petit écran (y compris les cultissimes Dumbledore et Merlin) par son charisme, sa voix, ses phrases empreintes de philosophie, ainsi que ses actes, notamment lors de l'attaque de Minas Tirith, où le vieil homme se révèle un chef de guerre accompli, rempart d'un blanc immaculé contre les forces du mal. Le contraste est saisissant dans les scènes où le mage, blanc neige, sur son fidèle Gris-Poil, arpente la cité au milieu des orcs noirs et crasseux, halo de lumière au milieu des ténèbres, vision d'espoir dans un monde désespéré. Le tandem Legolas/Gimli fonctionne toujours à merveille grâce au talent d'Orlando Bloom et de John Rhys-Davies, de même que le duo Pippin/Merry, cette fois séparés pendant la majeure partie du film, et qui se retrouvent confrontés à leur propre courage.
Un casting extraordinaire épaulé de plus par d'autres qui grossissent les rangs, tels Bernard Hill, Karl Urban, David Wenham, Liv Tyler et de courtes apparitions de Hugo Weaving, Cate Blanchett, Christopher Lee ou encore Brad Dourif et Ian Holm.


Une autre des multiples grandes forces du film, sa musique, qui accompagne si magnifiquement les scènes phares de l'oeuvre et donne une dimension supplémentaire à notre ressenti.
Car chaque scène du Retour du Roi sert l'émotion, émotion justement renforcée par la sublime musique de Howard Shore, qui ne cesse de nous faire frissonner. La liste de toutes ces scènes est longue comme le bras car en près de 4 heures en version longue, ces scènes au pouvoir émotionnel intense défilent comme des petits pains.
On retiendra plus particulièrement la charge des Rohirrims à travers les champs du Pelennor, après le monologue saisissant et galvanisant de Theoden, ou encore Aragorn s'élançant vers l'ennemi après s'être retourné et avoir dit à ses congénères "Pour Frodon". La destruction de l'Anneau, où les personnages applaudissent le hobbit avant de voir la Montagne du Destin entrer en éruption, est aussi une véritable toile héroïque où la musique prend toute son ampleur et sa puissance.


Tour de force titanesque que Le Retour du Roi, mais celui ci paraît encore plus grand et imposant en version longue tout comme La Communauté de l'Anneau et Les Deux Tours, dont les scènes supplémentaires ajoutent à la richesse non seulement de l'univers mais aussi des personnages.
Plus de 4 heures en version longue, et pourtant à chaque moment le film nous tient en alerte, ne s'essouffle pas, grâce au talent du cinéaste et de l'équipe technique qui ont su imposer un montage fluide et solide sans surcharger de détails superflus le déroulement de l'intrigue.


Si l'on pourra reprocher au film quelques (rares) défauts, comme un Deux Ex Machina peut être un peu trop expéditif à la fin de la bataille de Minas Tirith, le traitement de Gimli s'alourdissant ou encore les fameuses et tant débattues différences avec le bouquin d'origine, le constat est le même à la fin du visionnage : aucun film n'est parfait, mais le troisième volet des aventures en Terre du Milieu est peut être l'exemple le plus proche de la perfection, ou de ce qu'elle devrait être sur format cinématographique...
De même, s'il en comporte plus que ses deux prédécesseurs, le nombre de clichés ne dépasse pas les doigts d'une main, et hormis un cri de Wilhelm par ici et par là (et au final, il n'y en a que...deux...), le film est loin d'être le blockbuster abrutissant hollywoodien par excellence que sa réputation de film à gros budget milliardaire (en partie fondée par certains détracteurs) veut faire croire.


Pour ce qui est du débat sur les écarts du film sur le livre Le Retour du Roi, la meilleure solution serait de voir ce film en premier lieu non pas comme une adaptation mais avant tout comme une oeuvre cinématographique à part entière, une nouvelle écriture du livre unique, comme le reste de la trilogie d'ailleurs. Il est clair qu'en tant qu'adaptation il présente à l'instar des deux autres opus des défauts, des failles et des différences avec le livre, mais juger l'intégralité du Seigneur des Anneaux en se basant sur les erreurs et différences entre le support visuel et le support littéraire, ce n'est pas le meilleur choix, et peut nuire à la perception de ce film. Le format cinématographique possède ses codes, et est plus restreint que le format littéraire, car il impose un visuel, une narration plus rapide et plus fluide, et alors que Le Seigneur des Anneaux était jugé inadaptable avant que Peter Jackson ne prenne ce risque et se jette à corps perdu dans cette adaptation, à la fin du Retour du Roi, il est nécessaire de ce poser cette question : Était-il possible de faire mieux au vu de la richesse et de l'imposante matière du matériau de base ? Je pense que non et que le résultat apposé sur grand écran est amplement à la hauteur des espérances, d'autant plus que ces différences et ces écarts donnent envie à lire (ou à relire) le livre d'origine, permettant de redécouvrir la fresque littéraire de J.R.R. Tolkien sous un autre angle, celui de son créateur.
Des exemples de films qui se sont vautrés en tant qu'adaptations mais qui se définissent comme de très bons voir excellents films et qui ont marqué leur empreinte dans le paysage cinématographique, il y en a plein (oui mon cher, c'est toi que je fixe là !).


Ce qui caractérise aussi le Retour du Roi, c'est sa fin, là où les détracteurs vont déclarer "Oui mais on sait comment ça va se finir, il n'y a pas de surprises" STOP ! La fin est évidente c'est vrai, mais le déroulement qui commence depuis La Communauté de l'Anneau reste important. Le voyage compte autant voir plus que la destination. Et si cette fin est facilement devinable, la conclusion n'en reste pas moins magnifique, on sent que Peter Jackson a du mal à dire au revoir à ses personnages, à ce monde qu'il a retranscrit lui et l'équipe technique (qui ont fait un travail formidable) sur grand écran, et par sa lenteur presque exagérée, le spectateur, novice ou puriste de l'univers des films ou du livre, partage cette appréhension du cinéaste, celle de quitter Frodon, Sam, Gandalf, Aragorn et tous les autres, et voir l'aventure se terminer, voir réellement cette fin de toute chose dont parle le porteur de l'anneau...


En soit, Le Seigneur des Anneaux est une leçon d’humilité. Entre tous ces remakes, ces spin-off en vogue actuellement dans le milieu du cinéma bien plus qu'il y a quelques années, Entre toutes ces suites de films improbables qui sortent à la chaîne, exemple frappant que sont les films de l'univers MARVEL ou les nouveaux Star Wars, n'y a t'il pas de surdosage ? Où se situe l'importance du hors-champs ou du hors-film, ce que le spectateur ne voit pas mais imagine ? Ce qui fait rêver même lorsque le film est fini ?Comment peut on apprécier une oeuvre s'il en résulte six autres du même acabit ? Où se trouve son authenticité ? Le Seigneur des Anneaux - même s'il a eu aussi ce cas avec Le Hobbit - reste une trilogie authentique intouchable, de par son aspect commencé, et achevé en même temps. La trilogie a l'air de nous balancer en pleine figure à sa conclusion : "Toutes les bonnes choses ont une fin". Et ce constat participe à l'élaboration d'un film mythique, et renforce l'unicité, l'authenticité de l'oeuvre, car elle est achevée, elle est intégrale.


Aventureuse, dramatique, démesurée, sombre et unique, la trilogie du Seigneur des Anneaux est bien plus qu'une trilogie conventionnelle d'Hollywood, c'est une oeuvre pharaonique, poétique et magique qui réunit tous les publics sous sa bannière et donne un nouveau souffle de vie au dense classique de fantasy signé Tolkien. Le Retour du Roi est donc la conclusion ambitieuse et épique adaptée à cette histoire, un tour de force cinématographique où on a la rare impression que tout fonctionne à merveille, du casting au montage, en passant par la musique et les effets visuels, et la forte dose d'émotion auxquels sont soumis les spectateurs, une oeuvre qui appelle au rêve une fois le générique de fin commencé, un film sublime comme il n'y en avait pas eu depuis le Nouvel Hollywood, et comme il n'y en a plus actuellement.

Créée

le 29 oct. 2017

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Tom Bombadil

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