Après un Samba qui avait tout du naïf et du raté, le duo Toledano / Nakache semblait tristement rentrer dans le rang, celui dont ils n'auraient jamais dû sortir si le succès d'Intouchables n'avait pas été qu'un heureux accident au sein de la comédie française tristoune, une conjonction unique de circonstances assez chanceuse, une prise totale sur l'air du temps et sur ce que le public attendait.


Le Sens de la Fête était donc chargé de renouer avec ce passé aux allures de triomphe, survendu dans l'espoir de rééditer l'exploit, de toucher à nouveau au phénomène. Behind a essayé d'en faire l'économie, histoire de ne pas partir avec un mauvais a priori, malgré ses mésaventures traumatiques l'ayant laissé sur le flanc, tout cela à cause des horribles méfaits criminels des autres enfants chéris de cocorico-médie, Dany Boon et Philippe De Chauveron, qui attendent toujours leur procès..


Si le changement de casting et de figure de proue est total, la formule ne semble pas changer d'un iota. A première vue. Car il est loin de ce qu'il prétend émuler, loin du feelgood movie en fauteuil roulant, loin de son immigré mou nappé du sirop de l'amourette guimauve, ou encore de souvenirs approximatifs d'une colo' assez énervante.


Car si vous voulez voir Le Sens de la Fête afin de rire de manière franche et constante, passez votre chemin, car vous seriez sans aucun doute déçus et pesterez de votre naïveté indécrottable. Toledano / Nakache épousent en effet les affres de leur personnage principal, qui reprend sans aucune correction le jeu d'un Jean-Pierre Bacri d' habitude assez paresseux et sans surprise.


Sauf que le rôle lui va comme un gant, à Jean-Pierre. Behind ne pourra donc pas chanter le "Bacri... C'est fini !" qu'il s'attendait à pousser à la sortie de la salle. Car il est le point de rencontre du film, le pôle magnétique d'une team de bras cassés et de losers plus ou moins magnifiques qui se piquent d'organiser le plus beau jour de votre vie à l'a peu près, en faisant parfois avec les moyens du bord. Jean-Pierre Bacri apporte encore une fois avec lui son air bougon, de Droopy un peu cynique, portant son regard désabusé sur le petit monde qu'il régente. Et sur ceux qui l'emploient dans cette entreprise d'organisation pliée à une cérémonie bien propre sur elle, distinguée et un peu prout-prout de ces petits riches de province qui se vivent comme supérieurs à leur contemporains. Le jeu des apparences factices apparaît de manière flagrante.


La satire est plutôt bien vue, souvent. Plus d'un sourire se dessinera sur le visage du spectateur qui, parfois, n'en croira pas ses yeux. Le décalage sera souvent savoureux, la cérémonie supposée heureuse et festive étant laissée aux mains de quelqu'un qui semble incapable de ressentir une quelconque joie. L'attitude des mariés augure du meilleur pour la suite. Lui, imbuvable, qui prend les décisions et les affirme, elle, déjà soumise, muette et en adoration, avant de sans doute déchanter. Quant au bon goût et la retenue qui se veut affichée, ils seront vite battus en brèche. Par une comparaison fugitive avec un mariage plus populaire, l'ennui royalement affiché lors d'un discours puant de fausseté, ou encore par l'animation assurée par un Gilles Lellouche qui, lui non plus, ne change pas de registre dans le genre de personnage assez beauf dans lequel il semble abonné.


Mais ces acteurs cantonnés dans leur posture habituelle ne le sont pas, cette fois, de manière paresseuse et gratuite. Toujours au service de la vision désenchantée qui porte le duo Nakache / Toledano sur les coulisses de cette fête qui, finalement, menace constamment de virer au fiasco, ils font finalement que l'audience s'attache à eux et éprouvera une certaine empathie. Même si les bêtises, facéties et autres incompétences sont parfois convenues, où des sous-intrigues peu travaillées.


C'est l'aspect doux-(un peu) amer de ce Sens de la Fête qui séduira le plus, loin des comédies lourdes, grasses et ineptes dont le système français s'acharne à nous abreuver aujourd'hui. Dommage simplement que cet aspect désenchanté de l'entreprise, en forme de fausse comédie, ne soit pas soutenu dans une dernière ligne droite qui reviendra dans le "droit chemin" de la fin malgré tout heureuse, arrivée obligatoire d'un scénario du genre estampillée trois couleurs.


Le sentiment que laisse Le Sens de la Fête à la sortie de la salle est cependant étonnamment positif malgré ce léger avatar. Le masqué, lui, restait stupéfait de ne pas avoir pesté une seule fois sur l'ineptie habituelle qu'il pensait qu'on allait lui servir. Et se surprenait à penser que, finalement, le duo consacré était à nouveau capable de faire quelque chose de bien et d'agréable.


En tout cas, constater que l'être aimé qui l'accompagnait accrochait bien à ce Sens de la Fête, choisi à la hâte, l'a rendu heureux. Tout comme le plaisir procuré par la chaleur de son épaule, qu'il frôlait de temps à autres, tout en osant timidement porter son regard à sa droite. En s'enivrant de la fragrance douce et entêtante d'une personne qui devint, pour un instant, chère à son petit coeur mou et fragile au goût de chocolat chaud.


Behind_c'est mieux à deux_the_Mask.

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