On pourrait inlassablement pérorer sur cet insoutenable silence qui jonche les murs de l’hôtel où logent Esther, Anna et son fils. Cet enfant qui rode dans les longs couloirs, pointant son regard et sa gâchette sur ceux, et ce, qui l’attire et l'interroge. Ce silence, circulant dans les veines d'Anna et Esther, perturbé par les vibrations extérieures, rode toujours.


La maladie s'ouvre sur un abime bien plus sombre que celui de la mort, celui de la trahison, de l'éloignement et enfin de la disparition. Celle-ci couvre l’ensemble de l’œuvre et dramatise le lien progressivement dissipé entre les deux sœurs. Bergman filme cette maladie d'un regard froid, un regard réel et cruel, nous rendant ainsi dans l'incapacité de lui susciter la moindre compassion. Est-ce l'alcool, ou bien le silence, qui est à l'origine de la mort ?


Un enfant, donc, apparaissant comme un potentiel médiateur au conflit, de son regard innocent, aide à l'effet (potentiellement) désiré par Bergman, de celui de l'indifférence. Indifférence ou innocence enfantine ? Une arme braquée sur son entourage, un attrait particulier pour la guerre, peut nous faire opter pour le premier cas. Cependant, une grande bonté se dissimule au sein de l'incompréhension, l'enfant suscite une attirance pour le travail de traductrice d'Esther, travail au demeurant bon par son caractère universel, voyant ainsi au delà de la mort et de la crainte de son ancienne alter-ego, Anna.


Mais le silence s'estompe, laissant un vide soudain, la mort s'installe enfin. Le silence s'estompe, mais ne s'arrête pas, et prend simplement une autre direction.

Clément_Bodin
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le 12 sept. 2016

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