Pendant l’Occupation, un vieil homme vivant avec sa seule nièce en Zone Libre se voit imposer par la Kommandatur Allemande d’héberger un officier Nazi. La famille, en signe de protestation, lui oppose un silence complet. Soucieux de s’intégrer, l’officier tente tout de même d’engager la conversation.
L’officier Von Ebrennac se rend tous les soirs ou presque au salon, sous différents prétextes, pour y réitérer sa tentative d’instaurer un dialogue. D’abord en tenue militaire puis bientôt en bon gentilhomme - sûrement pour se rendre moins oppressif aux yeux de ses hôtes. Musicien avant la guerre, il partage ses vues sur les virtuoses germanophones. Il se découvre des accointances avec le maître de maison en parcourant la bibliothèque, et fait part de son amour pour nos auteurs, de loin les plus doués d’Europe, sinon du monde. Passionné de culture française, il va jusqu’à dévoiler ses rêves d’amitiés franco-allemande.
Pourtant, rien n’y fait : silence ce fût, silence ce sera.
Malgré cela, dans ce qui ressemble en tout point à une succession déconstruite de vaines tirades, se crée un dialogue d’une puissance et d’une poésie que peu de cinéastes seraient à même de retranscrire à l’écran. Howard Vernon, l’interprète du soldat Allemand, fait preuve d’une élégance et d’une finesse tout à fait dérangeantes, comme malsaines de par tant d’ingénuité. La famille hôte, sans point s’ouvrir, ne peut s’empêcher d’attendre chaque jour sa venue.
Dans cet échange, un retard, une absence ou même un changement de tenue ont plus de valeur que bien des mots.
Premier film de Jean-Pierre Melville - réalisé dans une pauvreté absurde - l'on eut pu se satisfaire de sa filmographie si elle s'arrêtait a ce film. Ce n’est rien de moins qu’un sommet du 7ème Art. Preuve en est, son influence sur les cinéastes de la Nouvelle Vague (tournages de rue à cru, jeux de lumière avant-gardistes...).
« Je voulais essayer un language constitué uniquement d’images et de sons, d’où le mouvement et l’action seraient pratiquement bannis », dira Melville. Pari réussi. Quiconque à Encore du temps à consacrer aux vieux films poussiéreux entre les sorties de Justice League et Thor : Ragnarok, aurait tort de manquer ce bijou de sensibilité.