Un gros polar qu’on a un peu trop transcendé à mon goût (la violence est bien plus suggérée qu’explicite), mais dont l’immense popularité a beaucoup apporté à la carrière des deux acteurs principaux : Jodie Foster et Anthony Hopkins. On nous plonge d’abord dans la classique histoire de Serial Killer glauque, dont les seules manifestations qu’on nous laissera voir seront quelques photographies et un cadavre cadré en trop gros plan ou de loin avec des personnes devant. Seven me semble bien plus impressionnant, alors qu’il est côté à une limite d’âge inférieure, et tout cela parce qu’on a de la psychologie dans ce film. Ouh là, subversif ! Et bien pas tant que ça, la référence morale de Clarisse étant conservée pendant tout le film. Si celle du psychopathe aux papillons est certes troublante (la danse devant le miroir), elle n’est d’aucune ambigüité. Psychologiquement, le film est beaucoup moins agressif qu’on le supposait, la déviance psychologiques étant ici vulgarisée, décortiquée, étudiée pendant tout le long métrage. La piste est certes entretenu avec des détails qui marquent les esprits (les papillons principalement), mais elle n’est jamais très éloignée des formules classiques (le dernier acte étant surtout un mécanisme visant à faire uniquement grimper l’adrénaline (ce qui fonctionne, au cours d’une séquence gadget mais tétanisante dans le noir total). Ce qui a surtout attiré mon attention (comme beaucoup de monde), c’est la relation Hannibal-Clarisse, sorte de petit jeu psychologique où Clarisse livre des détails de son passé en échange des précieuses informations du docteur Lecter (le personnage nous impressionne d’ailleurs tellement qu’on en oublie de réfléchir sur ses observations, qui sont d’une pertinence assez incroyable). Pas un jeu très dangereux, aucune corruption d’esprit n’étant possible au travers de la vitre de plexiglas. Il faut avant tout s’attirer la confiance du docteur pour pouvoir dialoguer avec lui. Et c’est là qu’on observe la qualité du jeu des acteurs. Hannibal est proche du cabotinage avec ses haussements de sourcils, son air prédateur et ses rictus mordants, tandis que Clarisse essaye toujours de garder une façade digne malgré ls confessions qu’elle fait. C’est cette franchise qui s’installe peu à peu qui fascine, le spectateur ayant enfin l’impression de découvrir « dans le fond » les personnages qu’il suit, et d’avoir des détails sur leur existence. Je ne vois pas tant de liens entre l’Agneau et la fille du sénateur, mais je vois l’importance de cet évènement dans ce qu’a vécu Clarisse Starling. Et Hannibal aussi le voit, et il s’attache à cette figure de pureté malmenée par une existence difficile (la pauvreté…). Ce dernier face à face, ce doigt effleurant l’index de Clarisse, les relents sentimentaux de cette scène transcendent, on est nous aussi sous le charme. On remet certes les pendules à l’heure sur la nature du docteur avec sa spectaculaire évasion, en nous montrant bien qu’il n’a rien perdu de l’époque où il s’organisait ses dîners personnalisés. Car il y a ça aussi dans la popularité d’Hannibal : Il a goûté au fruit interdit. A la chair de son prochain avec le tact d’un gourmet. Un acte monstrueux magnifié par un raffinement admirable. C’est ce télescopage morbide flamboyant, cette aura prédatrice et expérimentée qui fascine, Hannibal touchant à quelque chose de bien plus tabou et bien plus original que l’inceste où autres complexes auxquels le quotidien nous a tristement habitué. Hannibal, c’est Leatherface à la cour de France, le psychopathe dont la violence ravageuse prend parfois des tournures artistiques soignées (la scène de l’ange), et qui fait preuve d’un discernement sans faille. Une icône est née.
Voracinéphile
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le 17 oct. 2013

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