Avec Le soupir des vagues, Fukada Koji explore de nouveaux horizons stylistiques. On peut reconnaître qu’il garde un penchant pour le voyage, ici en Indonésie. Également, le scénario de ses films se teinte de fantaisie, mais arbore des traits sérieux, dramatiques, tragiques ou même spirituels. Les plans finaux de Sayonara sont à ce sujet sidérants de par l’éternité qu’ils suggèrent. Mais son dernier film, lui, projette une dose de mysticisme dans le quotidien de ses personnages, à l’inverse de Sayonara où le cadre supplantait les protagonistes et décidait donc de leur destin. Cet homme qui vient de la mer n’est pas le héros de cette histoire, il en est seulement l’élément perturbateur. Les héros, ce sont quatre amis, les liens qu’ils tissent entre eux, et à travers eux, la naissance de sentiments primaux tels que l’amour, la frustration, le deuil… L’intervention de l’homme vient ajouter de la magie et des bouleversements dans leur vie. A l’image de cette ville balnéaire plongée dans ce beau milieu aquatique, cette lumière qui l’inonde, les personnages dégagent une sorte de pureté qui les rend attachants. Le mystère qui entoure l’homme de la mer et la façon dont il influe sur leur quotidien parvient alors à créer un suspense : ce sont des gens simples mais que va-t-il leur arriver ? Vont-ils se comprendre, enfin ? L’écriture de Fukada se resserre au fil du film et l’aspect surnaturel devient plus prégnant. Un autre paramètre arrive à nous interroger sur la compréhension mutuelle des personnages. Il s’agit du métissage : la mère est moitié japonaise et moitié indonésienne. Le fils est un quart japonais. La nièce est japonaise avec, sans doute, des origines indonésiennes de la même façon. Et ces gens, qui apportent l’histoire et la culture du Japon avec eux, côtoient des Indonésiens. Fukada Koji a déclaré vouloir casser les stéréotypes de l’identité japonaise, vue parfois comme une seule race, et montrer LES identités japonaises. Quelque soit le but poursuivi par Fukada, intentionnel ou inconscient, cet aspect du scénario parvient à donner de l’épaisseur aux personnages et à créer un système relationnel sophistiqué par rapport aux émotions terre-à-terre évoquées plus haut. Que ce soit le choix de la langue selon son interlocuteur (japonais, indonésien ou anglais), la tenue vestimentaire (tenue estivale décontractée ou signes religieux islamiques), les cultures s’apposent l’une à côté de l’autre sans s’opposer : elles marchent ensemble vers une tonalité légère, à l’image des réactions fantastiques de l’homme de la mer. Cinéaste définitivement atypique, Koji Fukada n'a pas fini de nous surprendre !

John_May
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le 4 déc. 2020

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