Il est surprenant de voir un tel film sortir en France surtout au vu de son sujet : les coulisses des clubs de baseball, un sport purement américain n'ayant jamais rencontré un succès en Europe et encore moins France. On se rappelle que l'excellent drame inspiré d'une histoire vraie de football américain The Blind Side, qui avait valu à Sandra Bullock un Oscar, était sorti en DTV dans nos contrées et pire, en catimini. Pourtant le football américain est un sport bien plus populaire en France que le baseball (en témoigne les chiffres de vente du jeu Madden).

Du coup, on est en droit de se poser une question légitime : pourquoi donc Le Stratège sort-il en France ? Pour cela, pas de mystère, il le doit avant tout à sa star : Brad Pitt. Sans lui, ça aurait été presque un petit miracle si le film était sorti en DTV. Mais bon, le mettre en concurrence avec le nouvel opus de Twilight et le nouveau Kassovitz sonne comme un terrible désaveu, une mise à mort annoncée. Il n'y avait qu'à voir la salle où j'étais à Chatelet pour voir le film : une de leurs plus petites salles.

En tout cas même si je n'aime pas le baseball (je n'ai jamais pu regarder un match en entier lors de mes périples aux States et pourtant, ce n'est pas faute d'avoir essayé), je voulais donner sa chance à ce film qui était précédé par une bonne réputation critique.

Déjà de base, je peux vous dire une chose : vous ne connaissez rien au sport et vous n'avez pas les bases concernant les règles du baseball, deux solutions s'offrent à vous, non trois en fait : soit vous vous plongez sur Wikipédia sur l'article concernant le baseball et un autre pour comprendre le mode de fonctionnement des transferts et du championnat américain, soit vous avez un/une pote qui s'y connaît et qui se fera un plaisir de vous expliquer, soit vous laisser tomber le film (non mais sincèrement, le film s'attache à vouloir révolutionner le sport, si on ne s'y intéresse pas, difficile de voir un quelconque attrait pour ce film même si vous êtes un gros fan de Brad Pitt).

Pour ceux qui ont rempli les deux premiers critères, je ne peux que vous conseillez de vous jeter sur cette perle livrant une vision novatrice sur le sport. Inspiré d'une histoire vraie (on aime bien ça hein), il raconte comment un entraîneur à la tête d'une équipe pesant 38 millions de dollars tente de rivaliser avec des équipes calibrés pour les play-offs et pesant 130 millions.

Tout simplement en changeant les règles du jeu. Au lieu de se baser sur un système archaïque existant depuis la naissance du sport consistant à surpayer des joueurs (une pratique en court dans notre beau pays où le PSG achète Pastore 42 millions), si on se payait plusieurs joueurs qui séparément ne sont pas miraculeux mais réuni peuvent remplacer une star : le collectif prime alors sur l'individu.

On tente alors d'expliquer ce sport par les chiffres et non plus par les « sens » du recruteur qui se plante une fois sur deux et une fois sur quatre pour les meilleurs. Car un recruteur ne peut juger que sur le physique et non pas sur le mental (comment prévoir le comportement d'un enfant lors d'une finale des Masters Series?). Une belle histoire à méditer à notre époque où l'argent est roi dans le sport même si quelques belles surprises demeurent comme Montpellier, actuel dauphin de L1.

D'autre part, le film montre les coulisses de ce sport en prenant non pas le point de vue d'un joueur, ni d'un entraîneur mais d'un manager ce qui n'est pas sans rappeler le fabuleux The Damned United par le réalisateur de Le Discours d'un Roi. On y assiste alors aux procédures du système de transfert où manipulation et argent sont rois. Ce point est beaucoup plus approfondis que dans The Damned United qui s'attachait davantage à la rivalité entre deux entraîneurs et beaucoup plus que sur le film sur le football américain L'enfer du dimanche. C'est avec une véritable jubilation qu'on assiste à l'envers du décor des mercato.

La réalisation appuie beaucoup sur ce point car les matchs sont délaissés et surtout hors clichés (pas d'explosion de joie surexprimée, pas d'entraîneur porté par les bras des joueurs au final d'un match). Le réalisateur préfère s'employer à utiliser des images d'archives (génial générique d'ouverture) ou montrer quelques portions de matchs dont un est particulièrement approfondi, d'ailleurs il faut que j'en parle parce qu'il y a une scène qui m'a particulièrement marqué. Alors que la pression est à son comble, le réalisateur s'emploie à couper le son par moments reflétant la détresse intérieure des acteurs du match. Un très bon procédé qui a le mérite de faire monter la sauce d'un cran. Pour le reste du temps, c'est sobre, bien cadré et c'est lent mais attention, jamais chiant.

Avec ça, vous disposez d'un casting 5 étoiles, Brad Pitt en meneur de proue (excellent mais faut-il le préciser ?). Il va nous manquer celui-là quand il va prendre sa retraite. Il est accompagné par un Jonah Hill surprenant, pour une fois qu'il ne fait pas le guignol, il montre qu'il est aussi un acteur dramatique. Philip Seymour Hoffman est là pour prouver que sa précédente collaboration avec le réalisateur s'est bien déroulé et comme d'habitude : excellent. Surtout ses scènes sont parmi les plus drôles du film et reflète le conflit qui peut exister entre le manager et l'entraîneur (qui a dit Leonardo et Kombouaré?). Il y aussi des guest-stars du milieu mais ne les connaissant pas, je n'irais pas plus loin.

Si le film n'a pas la note maximale, il le doit tout simplement au sport choisi : le baseball. Très loin d'être ma tasse de thé. Si ça parlait de football ou de rugby, nulle doute que j'aurais jubilé.

Conclusion:

Un excellent film de sport mais aussi novateur : il ne s'attache pas au mode de fonctionnement habituel (joueur/entraîneur) donc ça lui permet de s'affranchir des clichés du film de sport.

Toutefois, il n'est pas à réserver à un grand public du fait de son sujet calibré pour ceux qui connaissent à minima le sport professionnel et ses rouages.

A l'heure où le PSG prend le pouvoir à coups de millions, Le Stratège démontre que l'argent ne fait pas tout et son entraineur tente de bouleverser les règles préétablies depuis la naissance du sport.
Marvelll
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 16 nov. 2011

Critique lue 1.9K fois

42 j'aime

18 commentaires

Marvelll

Écrit par

Critique lue 1.9K fois

42
18

D'autres avis sur Le Stratège

Le Stratège
Before-Sunrise
8

Mister Beane

Je me rends compte être particulièrement gentille avec ce film. Un 7 gonflé devient 8 parce que vraiment je trouve que Brad Pitt a un truc qu’aucun autre acteur ne possède. Une façon de bouffer un...

le 17 sept. 2012

43 j'aime

Le Stratège
Marvelll
8

Pour l'amour du sport

Il est surprenant de voir un tel film sortir en France surtout au vu de son sujet : les coulisses des clubs de baseball, un sport purement américain n'ayant jamais rencontré un succès en Europe et...

le 16 nov. 2011

42 j'aime

18

Le Stratège
takeshi29
8

Vous serez passionnés par un bipoic sur le manager d'une équipe de base-ball.. Oui oui

Contrairement à chez nous, le "film de sport" est une tradition bien ancrée dans le cinéma américain, et la grande majorité de ces films répondent à un schéma bien convenu et ne présentent en réalité...

le 25 févr. 2012

32 j'aime

2

Du même critique

Time Out
Marvelll
5

« Ne gâche pas mon temps »

En héritant d'un synopsis bandant, on attendait de Time Out, un film de SF sympathique surtout vu le nom du réalisateur. Si le sujet (le temps a remplacé l'argent) amènera des réflexions plutôt...

le 17 nov. 2011

113 j'aime

9

La Chasse
Marvelll
9

La cruauté de l’Homme

Pourquoi voir La Chasse ? Quatre arguments imparables, pour l’acteur Mads Mikkelsen (devenu une star mondiale depuis sa prestation mémorable de Le Chiffre dans Casino Royale), pour le réalisateur,...

le 30 oct. 2012

96 j'aime

7

Des hommes sans loi
Marvelll
9

Le chaînon manquant entre le western et le film de gangsters

Des hommes sans loi, malgré son casting bankable avec en figure de proue Tom Hardy, est surtout le nouveau film de John Hillcoat, derrière l’excellent La Route et le western réputé The Proposition...

le 11 sept. 2012

82 j'aime

17