J'ai toujours un peu de mal avec les films « inspirés » d'une histoire vraie. Je trouve que mettre en avant (surtout sur l'affiche du film), ce fait, c'est donné une caution morale à tout ce qu'on va voir, inutile si le film est bon. « Venez voir ce super film parce que en plus c'est vrai donc c'est encore plus fort » : voilà ce que je lis sur l'affiche. Je vous laisse imaginer ce que Intouchables a produit chez moi.

Vous me direz pourquoi suis-je allé le voir ? Et bien j'adore le sport et cette fascination qu'il exerce sur notre société. Le sport est normalement fait pour le cinéma. Une teneur dramatique parfois intense, des héros tout faits dans les sportifs d'exceptions, et de l'action aussi. Surtout diront les studios. Mais souvent, nous sommes déçus par le résultat, tout simplement parce que filmer l'acte sportif n'est jamais facile. Saisir le geste juste et le mettre en valeur est extrêmement délicat. De ce côté-là, Le Stratège ne déroge pas à la lettre, les scènes de baseball pures sont filmées de manière juste mais sans plus.

Cependant, ce n'est pas de sport que le film parle. Ici, on voit plus les rouages du baseball, à travers un personnage, Billy Beane (Brad Pitt) qui bâtit une équipe avec pour ainsi dire un bâton, trois bouts de ficelle, et deux paris osés : baser sa stratégie de recrutement sur un homme, Pete Brand (Jonah Hill) : un supergeek avec son ordinateur et ses statistiques, et s'entêter jusqu'au suicide professionnel. Billy Beane est manager d'une franchise sans un sou, autant dire une sérieuse paire de jambes de bois dans le sport actuel. Bennet Miller capte et met très justement en avant cette donnée : sans argent, mieux vaut être très malin. Miller, lui a été très malin en s'entourant de Brad Pitt, saisissant de réalité, de vérité et de fragilité. Ce film parle de cet homme Billy Beane confronté à sa haine de la défaite et à la médiocrité qu'il perçoit chez lui même. Il n'a pas réussi à s'imposer en tant que joueur et il doit prouver à tout le monde, et surtout à lui même qu'il n'est pas un raté. On arrive à sentir ça dès la séquence d'ouverture. Durant le reste du film, Brad Pitt est juste tout aussi énorme.

Donc l'argent thème un peu moins essentiel que la quête d'accomplissement de Billy Beane est parfois trop présent. Les lieux choisis pour les séquences sont trop manichéens, les pauvres avec leur gymnase municipal d'un côté et les riches avec leur aréna high tech de l'autre, ou encore Billy Beane qui habite juste un pavillon quand son ex femme habite une villa contemporaine, à un moment ça lasse. Et ça rejoint ce que je disais plus haut, c'est une histoire vraie donc « regardez ce qu'il a fait alors qu'il avait pas de budget » Sérieusement ?

Sur la forme du film, la photo est jolie notamment les plans de Brad Pitt, parfois pris en contre jour, ou demi ombre, ou à contre sens dans le cadre. Petites explications : dans un plan classique, le personnage filmé, surtout en gros plan doit être sur la gauche du cadre en regardant vers la droite, cela donne de lui une impression positive, il regarde dans le sens de lecture occidentale. Dans le film, Billy Beane, droite cadre, regarde vers la gauche, contre sens dans le plan et impression négative chez le spectateur. Tous ces petit détails donnent de l'épaisseur à ce personnage si assuré en public, mais lézardé par ses failles et ses doutes.

Le rythme est un peu décousu, certaines situations tombent à plat, Cela manque de fil conducteur : le recrutement de l'équipe qui débute le film en lui insufflant, des histoires de sous, une dose de bluff est captivant, mais il est dilué dans une addition de saynètes comme une suite de statistiques définissant le film. Les dialogues sont maîtrisés et les divers objets fracassés par Bill Beane rehaussent le film d'une dose d'humour et ont réveillé mon voisin.

Bilan : Le Stratège est un film irrégulier, un Brad Pitt qui vaut le détour, voire plus (oscarisable?) même s'il traîne hélas ce tampon « true sotry » comme un boulet avec cette réalisation trop classique parfois hésitante qui cherche plus à mettre en avant des justifications à cette histoire, qu'à la sublimer. Donc, non, la révolution cinématographique n'a pas lieu.
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le 22 déc. 2011

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