Sacré revers de la part de Dario, puisqu’on évacue complètement l’esthétique flamboyante qui a fait le succès du maître pour privilégier les décors froids (appartement ou bureau), vides (musées), ou glauques (le squat, la ruelle). Après la fantasmagorie, le réalisme glacial et une focalisation beaucoup plus torturée sur la psychologie de ses personnages. Jusqu’à maintenant, le cinéma de Dario ne complexifiait pas ses protagonistes principaux (qui avaient souvent un caractère ingénu quand ils étaient féminins), mais les faisait évoluer dans un monde changeant, fantasmé (Ténèbres est le seul qui annonce la nouvelle vague argentesque, en prenant à contrepied toutes ces règles). Ici, les fantasmes viennent du personnage même, par l’intermédiaire de crises d’angoisse pendant lesquelles les peintures semblent s’animer, occasionnant quelques hallucinations (incongrue dans le cas du poisson à visage humain, angoissant pendant la période de séquestration). Dario vise les maladies mentales, en raffinant celle de sa protagoniste, et en restant sommaire pour celle de son psychopathe. Le véritable point fort de cette intrigue, c’est qu’on identifie clairement le coupable dès sa première apparition, et le film ayant conscience de sa posture, il entame encore plus vite les hostilités en mettant dès les 20 premières minutes son héroïne à la merci de sa supposée proie. Finie, l’enquête pépère à la Maigret qui plomberont Card player et Le sang des innocents, on est dans la confrontation et quelques truculences gore pas toujours très belles quand Dario expérimente (le très laid plan numérique de balle traversant une mâchoire). Passé ces scories, la violence est sale et un certain jusqu’auboutisme permet clairement au film de trouver une intensité qui a largement de quoi tenir en haleine. En cela, la première heure du film est une réussite, l’intrigue est resserrée, proche de ses protagonistes et suffisamment original pour continuer à apprécier le style du maître. Malheureusement, une fois la trame principale achevée (vers 1h10), le film dure encore pendant… 40 minutes. Ouch. Et là, le vide commence à se faire sentir. En comparaison de la hargne qui habitait la première partie du film, cette seconde moitié traîne la patte. Le film s’appuie alors totalement sur Asia Argento, et malheureusement, son jeu ne se révèle pas toujours à la hauteur (délicat de transformer une victime psychotique en prédatrice féérique). Car c’est pendant cette phase que le film tente une métamorphose, qu’on n’attendait pas, mais qui rate un peu le coche en rallongeant bien trop la sauce. Bien dommage au vu de l’idée, mais le handicap est là. Néanmoins, malgré cette déconvenue, le sentiment global est bon, et Dario ne s’est clairement pas laissé aller à la facilité, en soignant toujours sa mise en scène (l’art de blesser son héroïne dès l’introduction, à la fois physiquement et psychologiquement) et en aimant ses protagonistes (si les motivations du psychopathe restent sommaires, sa mise en scène est jouissive d’efficacité). Malgré les failles qui apparaissent dans ses fondations, l’édifice est encore assez imposant pour justifier la visite, et laisser les tableaux du maître prendre vie.
Voracinéphile
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le 9 avr. 2014

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