Le Temps des Rancœurs
Le Temps des Rancœurs

Court-métrage de Moé Gachet (2019)

L'objectivité n'a plus sa place ici bas quand Pédro sort sa caméra. Du moins, pas chez moi. Le grand réalisateur est à nouveau de retour, non pas pour nous jouer un mauvais tour, mais bien pour continuer à explorer son travail que l'on pourrait évidemment qualifier de "trilogie de la post-apo", en hommage évident au médiocre Lars Von Trier. Cette trilogie, composée du monument Trapped, de sa tragique continuité Ivresse, se termine donc avec Le Temps des Rancoeurs, à ne pas confondre avec Le Temps des Cerises, la version de Tino Rossi bien évidemment. Après son exploitation du registre du vol, puis de la recherche de l'enfouissement spectral d'une jeunesse dévergondée au bord d'une crise de nerf noyée dans l'alcool et la beuverie, Georgio nous présente l'apocalypse chez les cowboys criminels et evidemment son thème préféré, la perte d'identité et les retrouvailles par la violence.


Tel Gouspa Moué, le réalisateur acclamé de Faut Rentrer Dans Le Vide et Viandasse, Jacquot commence sa nouvelle oeuvre par des flashs. Oulah. Attention. On sent déjà les éclairs du génie qui se prépare à jouer des images pour nous mettre face aux plus durs défauts de l'humanité, ou comme disent les Lituaniens : "Atvirai kalbant, pingvinai".
Mais Jakob, ce n'est pas qu'un réalisateur qui montre, c'est un réalisateur de contexte, d'écriture, de création d'univers cohérent. C'est pourquoi tout commence par une voix over décrivant un passé désormais dérisoire qui doit faire face à un futur qui est bel est bien APOCALYPTIQUe donc annonciateur de danger, de perte de contrôle, la fin de la vie, des règles et de la civilisation humaine. Bim claf claf, chevaux. Hommage évident à Tarkovski, réalisateur de L'Amour Extra Large avec Jack Black. Nous célébrons l'arrivée de cowboys fringuants naviguant de leur grande chaloupe invisible des chevaux. Beauté que ces plans de fusils, parfaitement orchégraphiés. J'ai aimé x3000.


Puis présentation du personnage principal. Il est si perturbé qu'il ne montre pas son visage à n'importe quelle caméra, il préfère regarder le sol et marcher tout droit. Choix évidemment de toute beauté, d'un esthétisme fort. Car c'est à un personnage torturé que nous avons affaire, trouvant le cadavre de son père;, lui chuchotant ses derniers mots à l'oreille, pourtant écrits sur une lettre. C'est ça la force de Poutré, il fait revivre les morts. Il fait parti de ces rares réalisateurs à faire se croiser vie et mort au même niveau, comme si l'inexplicable destinée d'un certain voile mortuaire ne devait pas s'abattre sur l'humain mais bien cohabiter avec lui.


Plus de Papa, le héros doit accomplir sa destinée et trouver l'assassin au double canon de son père. J'ai dit juste au dessus que Crochai était un grand créateur d'univers, et il le confirme en ajoutant une forte séquence d'enterrement nefaste. En une phrase, le contexte est mis, les couverts sont sur la table, reste plus qu'à manger ce bon pot-au-feu de seum monumental qui se dégage de cette macabre ambiance. Terrifiant croque-mort joué par Tilail.


C'est autour d'un bon feu que le héros confronte enfin son ennemi juré au booty développé, qui lui sort une cinglante référence aux films de cape et d'épée en l'appelant Touko, en rapport au film Tocca Mi Mama Segniora de Jordan Garol. Les présentations pas encore faites, les deux ennemis se donnent rendez vous au lendemain pour se mettre une grosse race sa mère, l'ennemi du héros - joué par le formidable et merveilleux et pas assez d'adjectifs existent sur Terre pour parler en bien de cet homme, cette perfection naturelle, nommée Joint de Culasse AKA Romain Choleymieux - tenant étrangement un fusil à double canon, tiens comme c'est bizarre, on dirait bien que ce film a été écrit par l'incroyable Crémou Garnier. Ce double canon a tué les parents du héros si jamais vous n'aviez pas compris.


Le lendemain, montage alterné, les deux combattants arrivent vigoureusement sur le lieu de la bataille. Tac tac tac le temps se dilate et hop hop hop ça va se castagner. Le coup part, la pluie s'abat. Tout d'un coup, la tristesse se dégage alors des personnages, le double canon sévit encore et le héros n'est plus, il s'écroule et dit aurevoir sans parler (la force de Goudet).
Evidemment, le réalisateur aime montrer sa présence, c'est pourquoi on peut entendre ses délicats doigts frotter la caméra et créer des poc poc d'où s'emettent un génie relatif.


Il s'affirme encore comme un vrai punk. Bourré a même voulu sortir son film avant Cannes, préférant la face toute tristounette d'un Thierry Frémaux déçu de ne pouvoir passer le nouveau Gravier dans la grand salle du palais du festival, Gourgné préférant le contact du vrai public à celui d'une certaine mondanité cannoise.


Il est le plus fort, le plus explicite, celui qui écrit d'une grâce à l'apothéose de tous, celui qui crache au visage décontenancé de tous ceux qui lui barrerait la route.


Bisous l'artiste, hâte de découvrir tes prochaines pôtacheries.

OizoBrown
10
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le 2 mai 2019

Critique lue 219 fois

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OizoBrown

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