Difficile d'assigner une étiquette à ce spielberg.

La réflexion sur l'espace que l'on peut tirer de ce film est très intéressante.

L’espace du terminal est un lieu oublié par la législation, un lieu abstrait. Dans l’aéroport, les règles juridiques sont des conventions inventées pour la gestion d’une masse humaine réduite à sa fonction de passager : les formulaires, les couloirs de circulation des passagers ... Viktor lui est tombé dans un vide juridique, une faille qui le coince dans un cet espace de pur convention qu’est le terminal, lui qui, aux yeux de la législation, ne devrait pas exister.

L’espace est déshumanisé : dans l’aéroport, le passager est réduit à sa simple expression de passager-consommateur, contraint par l’espace, par la réglementation à se réduire à quelques-unes de ses fonctions. C'est d'ailleurs un "non-lieux" inhabitable. L’inconfort y est calculé : banc sur lesquels on ne peut s’allonger, lumières blafardes, agressions publicitaires, zones en travaux (peut-on vivre dans une zone en travaux ?) …Tout le paradoxe du film tient d'ailleurs à la transformation d’un espace de transit en espace d’habitation, alors même que tout est calculé pour réduire le temps de présence d’un individu dans cet espace.

"Non-lieux" enfin, car, en relation contractuelle (billet de train, carte de crédit), l'utilisateur du non-lieu est toujours « tenu de prouver son innocence ». Pas d'individualisation (de droit à l'anonymat) sans contrôle d'identité. Pourtant c'est par ce processus obligé d'identification que l'individu accède à la désidentification. Pour rentrer dans l'espace anonyme du non-lieu, il faut valider son identité. Entré et sorti anonymement, l'individu circule alors dans un espace sans passé et avenir autre que celui d'un éventuel contrat passé avec l'objet de consommation. (Définition tirée d'un article de Première à la sortie du film http://www.premiere.fr/film/Le-Terminal-132935/%28affichage%29/press).

Enfin le regard se fait par moment acerbe sur la bureaucratie américaine et l'absurdité de ces espaces de "droit" international (à ce titre, cf. Karl Schmidt et Le Nomos de la Terre).

Néanmoins, le film ne semble pas avoir la prétention de pousser l'analyse à ce niveau : et c'est bien là le problème. Si le décalage entre la gravité d'un thème est le traitement qui en est fait peut avoir du bon, Spielberg transforme ici un sujet porteur et un scénario à sens en un simple divertissement, bien ficelé soit, mais qui manque cruellement de profondeur et de noirceur.

Le manichéisme des personnages est presque affligeant (quoique volontairement accentué par le traitement différencié des couleurs entre les plans centrés sur cet horrible ambitieux de Frank Dixon et ceux qui concernent ce gentil benêt de Viktor Navorski), l'intrigue finalement sous-exploitée (notamment sur le rapport de Viktor à sa situation).

Le vernis appliqué sur les personnages est bien maigre et tous les clichés de la société américaine sont bien là.

Même en transformant le thème en comédie, il me semble qu'il y avait bien plus subtile à faire.
Guillaume_Couga
4
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le 14 oct. 2013

Modifiée

le 22 oct. 2013

Critique lue 358 fois

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