"La nuit du 21 septembre 1945, je suis mort". Voilà, vous avez passé 30 secondes devant l'écran, et c'est un gosse de 14 ans qui vous dis ça. Le ton est donné, l'espoir est mis à mort d'entrée de jeu : peu importe ce que vous verrez pendant les 1h29 de ce film, cela ne pourra se terminer que d'une façon.
Le Tombeau des Lucioles, c'est une descente aux enfers ; que dis-je, une pente fatale. Et il n'épargne rien aux spectateur : les blessures, les cadavres, l'agonie sont montrées longuement, lentement, froidement, avec un réalisme sans aucune concession pour la sensibilité du spectateur.
C'est une tragédie en bonne et due forme au dénouement annoncé, dont on sait que les deux enfants ne sortiront pas, ce qui rend un petit peu plus déchirant chaque instant de bonheur qu'ils grappillent par-ci par-là, dont on sait qu'ils ne dureront pas.
Et ça ne se prive pourtant pas d'une poésie imagée puissante, où chaque image, chaque regard est plus évocateur que mille mots. Les émotions se lisent comme dans un livre ouvert, et en la matière la scène de la crémation de Setsuko est le point culminant du film, où se mêle la nostalgie, l'innocence et une tristesse infinie. Un dernier plan fixe sur le corps de la fillette, présenté dans toute sa pureté éternellement figée, suffit à rappeller la cruauté de la situation et la profonde injustice. Un contrechamp sur Seita suffit à évoquer un profond chagrin désespérément caché derrière une noblesse et une maturité exemplaire face à la froide réalité à laquelle il est confronté.
Finalement, c'est un film qui n'épargne pas son spectateur. Il s'immisce dans son âme, son esprit et ses émotions, et finit toujours par frapper où on ne l'attend pas. Il suffit d'une image, d'une parole, d'une note de musique, d'un battement d'aile de luciole pour que les larmes montent et que l'on capitule et qu'on abandonne notre virilité : on finit toujours par chialer à la fin. Et ce même si la fin tente vainement de nous consoler en nous montrant que la vie continue, que ces deux enfants sont à jamais réunis dans leurs moments de pur bonheur, loin de ce monde de merde et de ses problèmes qui auront eu raison d'eux.
Le Tombeau des Lucioles, c'est simple, c'est beau, et c'est beaucoup plus impactant quand on est adulte. Laissez les enfants en dehors de ça, laissez-les à leur jeux innocents. Mais toi, adulte, toi qui est apte à faire la guerre, toi qui est prompt au patriotisme outrancier, toi qui connaît, l'égoïsme, l'orgueil, et la violence, c'est à toi que ce film s'adresse. Car ça aurait pu être toi qui a tué ces deux enfants.