Le titre italien, Il Traditore, pourrait faire penser à un opéra de Verdi mais nous sommes loin de tout cela au final. Le Traître, c'est l'histoire de Tommaso Buscetta, un membre de Cosa Nostra, la mafia Sicilienne. Et comme son nom l'indique, il va trahir. Mais mettons-nous d'accord sur le sens du mot trahison. S'il s'agit de rompre la confiance, on est dans les clous. En revanche, s'il s'agit de dénoncer un monde corrompu, aux pratiques bien peu chrétiennes, il devient alors difficile de parler de trahison tant la conscience d'un homme lui intime de faire ce qui est juste. Il deviendra ainsi le témoin clef des maxi procès siciliens, qui mettrons en prison un certain Toto Riina.


L'affiche du film avait capté mon regard tant l'acteur qui joue le rôle principal y est charismatique. Des petits airs de Maradona, un costume bien coupé, des lunettes de soleil hyper stylées et surtout, une sacrée allure qui montre un mec blindé, qui n'a peur de rien, surtout pas de se mettre Cosa Nostra à dos. Et chaque minute de Pierfrancesco Favino en Buscetta à l'écran vaut le prix de la place de cinéma. Il amène une présence parfois bestial, tout en laissant transparaitre des émotions profondes, tout en conservant une pudeur à toute épreuve. Celle d'un mafieux à l'ancienne qui en a vu beaucoup et qui laisse peu transparaître. Mais au fur et à mesure de son parcours, notamment grâce à sa rencontre avec le fameux juge Falcone (exceptionnel Fausto Russo Alesi), on le voit peu à peu fendre l'armure, et devenir très touchant.


Je m'intéresse depuis longtemps au sujet de la Mafia, j'avais par exemple lu l'ouvrage du juge Thiel consacré à ce sujet. Bien entendu, le Parrain est une œuvre très importante pour moi. Mais là où le réalisateur Marco Bellocchio innove, c'est qu'il ne fait pas de ses mafieux des héros, bien au contraire. Dans un récit clinique, à la mise en scène réfléchie, il dissèque cette violence et ses conséquences sur chacun. Il parvient à soulever toutes les contradictions de ces hommes qui prétendent avoir des valeurs mais qui vivent dans le mal et par le mal. C'est également un film qui parle de la famille, de son importance dans la vie d'un homme. Ainsi, paradoxalement, la quête du héros sera simplement d'avoir une vie normale et de mourir de sa belle mort, loin de la violence. Même si le coût de cette sortie est de passer pour un traître.


Il est bon de voir un film revenir sur les maxi procès italiens. Un film qui honore la mémoire du juge Falcone au courage incomparable. Ainsi, une des séquences les plus choquantes du métrage à trait à la disparition de ce dernier. Lorsque la nouvelle se répand, on voit des mafieux sabrer le champagne. Rien de tel pour montrer à quel point ces personnes sont maléfiques.


Le Traitre n'est pas une rédemption dans le sens chrétien du terme. Il n'y a pas de véritable remord, juste un ajustement de certaines valeurs. Et finalement, malgré la présence imposante de la croix dans les salles d'audiences, il convient davantage de trouver son salut intérieurement que de s'en remettre à Dieu. Surtout lorsqu'on sort de Cosa Nostra. Film parti étonemment bredouille de Cannes 2019 ! Espérons qu'il trouve son public !

Andika
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le 10 nov. 2019

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