La civilisation vascille et dans les décombres de Vienne, de sombres affaires se profilent.

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On est ici en face d'un chef d’œuvre témoins d'une autre époque, d'un autre cinéma. Ce film est une réussite sur tous les plans, les personnages, les acteurs, le scénarios et la mise en scène tout frôle la perfection. L'emploie des ombres, des angles et des bâtiments de Vienne donne une atmosphère oppressante toute particulière. A souligner que l'emploie de l'allemand contribue aussi à cet atmosphère pour qui n'est pas germanophone, autant dans la scène de l'enfant au ballon qui poursuit Martins que dans la course poursuite des égouts, l'emploie de l'allemand viens sublimer l'angoisse de ces scènes.
Le scénario qui se déploie en deux temps est assez simple mais d'une efficacité redoutable qui permet aux personnages et à l'ambiance de se développer pleinement. C'est donc l'histoire d'Holly Martins un romancier fraichement débarqué de l'avion dans une Vienne ravagée par la guerre et qui va se mêler, après la mort de l'ami qui l'avait invité, à l'enquête de la police d'occupation présente pour rétablir l'ordre dans une ville qui part à la dérive. En interrogeant les personnages il va vite se rendre compte qu'il y a quelque chose d'étrange dans la mort de son ami, il y a des incohérences dans les récits et des histoires de marché noir s'ajoutent à l'intrigue.
Holly Martins n'a clairement pas sa place dans cette ville, il entre dans un monde auquel il n'appartient pas et qu'il ne comprend pas, où les idéaux n'ont plus court, où les hommes sont désabusés alors qu'ils survivent comme ils peuvent encerclés par les polices de tous pays. Le monde est en ruine et les vestiges de la grande Vienne sont éventrés. Plus rien ne ressemble à la civilisation, les hommes ont peur, ils n'ont plus de sous et pour ne pas arranger les choses, certaines monnaies n'ont court que dans certains endroits ce qui créé naturellement une ségrégation entre ceux qui utilisent l'agent de l'armée et les autres, entre le marché noir et les produits trop cher.
La dessus, l'écrivain n'ayant rien connu des souffrances et des privations vient appliquer les grands principes moraux de ses romans simplistes, ce qui bien sûr n'est pas en adéquation avec l'endroit. Il se retrouve ainsi en déphasage complet avec les autres personnages qui vivent une autre réalité. Sa seul solution est alors de fuir la ville, ce qu'il pense faire bien des fois avant d'être rattrapé par ses envies de briller et, avouons-le, de fréquenter l'amante de Lime.
Cette Anna Schmidt d'une beauté rare est à l'image de la ville, désabusée et résignée elle sera la ruine de Lime à cause de Martins. Puisqu'il la convoite, il se transforme chevalier blanc, sauveur de la veuve et pourfendeur des injustices alors qu'il était mou et sage avant de la connaitre. Pourtant, il ne comprend pas que ce n'est pas de cette manière qu'il l'aura et la dernière image du film est la froide victoire du réalisme sur le romanesque. Martins par sa morale a tout perdu.
Lime quand à lui, et comme ses amis autrichiens, est devenu un personnage froid et antipathique mais avec un charme qui conquiert tous les cœurs. A l'aune de notre morale c'est un homme épouvantable mais d'une débrouillardise et d'une intelligence rare. A son apogée dans la scène de la grand roue, on voit les solutions traverser son esprit et les applications s'enchainer presque immédiatement. Un coup il veux tuer Martins, la seconde d'après il le convainc de l'aider en ami. Il n'est pas hésitant, n'a pas de remord et dispose d'une rhétorique bien huilée. On aura presque de la peine en le voyant accepter la mort des mains de son ami.

Pour en finir avec ce film, la bande son est superbe et vous suivra assurément bien après le visionnage, elle se prête parfaitement à l'ambiance et c'est toujours un plaisir de l'écouter. Je m'arrête là car je ne manque pas d'éloge envers ce film et cet avis doit bien se terminer quelque part.

Jeremy_Caboche
10
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le 2 nov. 2020

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