Holly Martens vient retrouver son ami Harry Lime à Vienne, mais celui-ci vient d'être enterré après avoir été renversé par un camion. Seulement le rapport de police mentionne deux hommes penchés sur Lime, son partenaire commercial et M. Popescu, alors que le concierge dit qu'il y en avait trois. Par ailleurs les deux premiers témoins disent que Lime eut quelques mots avant de mourir, alors que le concierge dit qu'il est mort sur le coup et que son visage était méconnaissable. Et puis il y a la petite amie de Lime, Anna, et ces flics des différentes zones internationales qui sillonnent Vienne, et qui enquêtent sur les trafics de ce bon vieux Harry.
"Le troisième homme" est une magnifique introduction au film noir. La musique de Karas, véritable ciment du montage, lui donne une atmosphère décontractée, bonhomme et nostalgique. Il y a une idée visuelle tous les trois ou quatre plans, et le montage est plutôt nerveux, ce qui fait que même s'il ne se passe pas tant de choses que ça à l'écran, on ne s'ennuie jamais. C'est un festival de plans obliques, de perspectives brisées (les escaliers en ruine filmés en diagonales, les nombreux escaliers en colimaçon...), d'effets de fumée et de lumière (ces carrés de lumière défilant par une fenêtre tandis qu'un train s'en va, ces ombres de ballon se reflétant sur des façades, les pavés humides nettoyés au jet d'eau, les kiosques et nombreuses statues...). La scène de poursuite dans les égoûts, peut-être un peu trop longue pour notre regard blasé, développe le thème du labyrinthe à la Piranese, transposition physique de la perte des repères moraux. Au niveau formel, c'est un véritable plaisir de cinéphile. Quelle belle photo noir et blanc, décidément on atteint le sommet de la photogénie dans ces années-là.
Le prologue... Glamour et sarcastique, un des prologues les plus léchés de l'histoire du cinéma.
Il y a quelques symboles un peu gonflés, comme le chat qui snobe Holly, avec Anna qui dit "il n'aimait que Harry". Manière de dire que toute relation sexuelle entre Holly et Anna est condamnée.
Et puis c'est un film noir, avec des poursuites, des interrogatoires, des dilemmes moraux, une femme qu'on ne peut pas avoir : Vienne est immorale, la vie humaine coûte 20 000 dollars nets d'impôts et le choix d'aider la loi est juste, mais frustrant.