Réalisateur britannique du milieu des années 1930 à la fin des années 1960, Carol Reed a réalisé la bagatelle de 20 films dont la plupart sont malheureusement tombés dans l’oubli. On pense notamment à Train de Nuit pour Munich ou encore le Banni des Îles. Le Troisième homme a au contraire connu une trajectoire inverse, au point de devenir une véritable référence du film noir. Mais est-ce que cette réputation est-elle réellement justifiée ?


Instantanément, l’intrigue nous happe dans un écheveau complexe, presque trop dense. Les scènes s’enchaînent à une vitesse fulgurante, sans un seul moment pour nous laisser souffler et assimiler les informations, et pourtant on n’a jamais l’impression d’être largué. Une performance rare et appréciable.


Dans le Vienne d’après-guerre divisé en 4 zones d’occupation, un petit écrivain américain (Holly Martins) rend visite à son ami (Harry Lane). Il apprend que ce dernier vient de succomber à un accident. Désireux d’en apprendre plus sur les circonstances du décès, il décide de mener sa propre enquête. Mais entre les amis louches de Lime et la police qui vient bientôt s’en mêler, il comprend vite que quelque chose ne tourne pas rond.


Même si la première partie captive, le film ne prend toute son ampleur qu’après la rencontre entre Holly Martins (interprété par le très convaincant Joseph Cotten) et Anna Schmidt (fascinante Alida Valli), l’ex-amante de Harry Lime. La relation entre les deux personnages est à l’image même du film, remplie de faux-semblants et de mensonges.


Le Vienne d’après-guerre est remarquablement mis en scène. Robert Cracker (Senso et Le Cid) remporte d’ailleurs l’Oscar de la photographie pour son travail. Courses-poursuites dans les égouts ou au milieu des décombres, passage mythique entre Orson Welles et Joseph Cotton dans la grande roue, venelles lugubres et sombres, il explore l’ensemble du cadre qui lui est offert et varient grandement les plans (contre-jours, gros plans, contrastes).


Le son original et inoubliable de la cithare d’Anton Karas se fond avec l’ambiance ténébreuse et le scénario haletant. Entièrement composée par un musicien autrichien alors inconnu, la bande-son est un petit bijou d’ingéniosité musicale. Le dernier morceau sublime la fin, qui une fois n’est pas coutume, s’éloigne du traditionnel happy-ending pour notre plus grand plaisir.


Le Troisième homme reprend avec succès les codes du film noir – trahisons, mensonges, hommes virils, et bien sûr le plus important les ruelles glauques et les traditionnels complets et feutres gris – en y ajoutant une petite touche personnelle, le visage blafard d’Orson Welles, le Monsieur Plus du film. À classer au côté des classiques du genre, entre Sunset Boulevard, Le Faucon Maltais et Chinatown.

Paul_Gaspar
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le 13 avr. 2021

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