Pour la première fois (dans l'ordre chronologique de visionnage de ses films), Bergman ne me convainc pas. Pourtant il parvient à m'immerger en deux images et trois mouvements, par son grand travail sur la lumière et... les visages. Mais sa maîtrise de l'une est déjà assise, et ne se démarque ici que par son emprise comme sur un fluide éclaboussant les plans sans s'expliquer. Les contrastes sont magnifiques, mais perdent leur souffle quand ils sont manipulés. Il faudra surtout en retenir la marque de respect dont ils dotent pour une fois le cinéma envers les orages : les lueurs des éclairs sont réalistes, et tiennent le tonnerre en respect d'une manière enfin cohérente avec les lois acoustiques les plus élémentaires. Quant au thème du visage, il ponctue le scénario d'une façon qui n'est pas digne des métaphores les plus habiles, que Max von Sydow ne semble pas être en mesure de porter seul sur les épaules.


À trop tapisser son film d'inexplicable – puisqu'il confronte l'art d'un magnétiseur à l'esprit scientifique, pragmatique et administratif d'une bourgade –, c'est le film qui devient inexplicable. Les caprices des personnages – le faux muet, le faux assistant dont il est toujours évident que c'est une femme même si l'on ne reconnaît pas Ingrid Thulin – n'apportent rien, et débouchent sur un all-in sans conviction. Le scénario n'est pas désagréable en soi, et l'on pourra s'accrocher sans trop de difficultés à l'aisance avec laquelle Bergman détaille l'esprit scientifique (même s'il n'apporte pas son corollaire religieux dont il est un friand manipulateur dans ses précédentes œuvres), mais le film témoigne d'une certaine fatigue ou d'une idée en laquelle il a eu trop confiance.


Quantième Art

EowynCwper
5
Écrit par

Créée

le 19 juil. 2018

Critique lue 260 fois

Eowyn Cwper

Écrit par

Critique lue 260 fois

D'autres avis sur Le Visage

Le Visage
Aramis
8

Faux-semblant

« Le Visage » est le 21e film d’Ingmar Bergman, sorti en 1958, dans la lignée de son impressionnante cuvée 1957 : « Les Fraises sauvages » et « Le Septième Sceau ». Dès les premiers plans du film, où...

le 11 févr. 2016

11 j'aime

Le Visage
lionelbonhouvrier
9

Le visage ou l'énigme inépuisable de l'être

Les visages de Vogler (Max von Sydow), de son jeune assistant (Ingrid Thulin) et de la vieille sorcière (Naima Wifstrand) hantent ce conte fantastique à la poésie profonde, qui plonge ses racines...

le 13 déc. 2018

4 j'aime

4

Le Visage
zardoz6704
8

Un joli conte fantastique

Allez jusqu'aux pointillés pour éviter le résumé, si vous n'avez pas vu le film. 1846. Un petit groupe de saltimbanques et leur cocher tombent sur un comédien agonisant. Ils sont arrêtés à un...

le 10 avr. 2014

3 j'aime

Du même critique

Ne coupez pas !
EowynCwper
10

Du pur génie, un cours de cinéma drôle et magnifique

Quand on m’a contacté pour me proposer de voir le film en avant-première, je suis parti avec de gros préjugés : je ne suis pas un grand fan du cinéma japonais, et encore moins de films d’horreur. En...

le 25 oct. 2018

8 j'aime

Mélancolie ouvrière
EowynCwper
3

Le non-échec quand il est marqué du sceau de la télé

Si vous entendez dire qu'il y a Cluzet dans ce téléfilm, c'est vrai, mais attention, fiez-vous plutôt à l'affiche car son rôle n'est pas grand. L'œuvre est aussi modeste que son sujet ; Ledoyen porte...

le 25 août 2018

7 j'aime

3

La Forêt sombre
EowynCwper
3

Critique de La Forêt sombre par Eowyn Cwper

(Pour un maximum d'éléments de contexte, voyez ma critique du premier tome.) Liu Cixin signe une ouverture qui a du mal à renouer avec son style, ce qui est le premier signe avant-coureur d'une...

le 16 juil. 2018

7 j'aime