Arluile

Difficile de passer après Inside Out, mais avec cette nouvelle production le studio Pixar réussit malgré tout à accoucher d'une aventure simple et émouvante, destinée aux plus petits sans pour autant les prendre pour des jambons. Malheureusement, l'alternance des réalisateurs Peterson/Sohn se ressent et à l'instar de Brave, on sent parfois ce Good Dinosaur ne pas savoir sur quel pied danser, entre conte utopiste et darwiniste truffé de petites idées ingénieuses, et aventure initiatique gentillette. La bonne nouvelle, c'est que la rupture est moins franche que lors du passage de bâton entre Brenda Chapman et Mark Andrews en 2010, le long-métrage réussissant ici à garder son propos cohérent, ainsi que son intrigue sur rails ; disons simplement qu'il arrive qu'une bonne idée prête à germer se retrouve soudainement ensevelie sous une montagne de facilité.

Et c'est bien dommage, car outre son scénario simpliste, le long-métrage aurait pu avoir tout pour plaire : visuellement bluffant, une ambiance sonore très réussie (avec deux petits nouveaux aux commandes, les frères Danna, notamment l'aîné Mychael qui s'était déjà fait entendre sur Life of Pi), des personnages charismatiques et dont le design sort des carcans traditionnels (on aime ou on n'aime pas, personnellement j'adhère totalement au look enfantin des dinosaures, ça me rappelle les mercredis après-midi sur Mario Kart avec les copains, le jus d'orange et les Dinosaurus), des interprétations convaincantes, et surtout une mise en scène grandiose. Parce qu'il est trop souvent facile de cibler un public jeune pour se contenter du minimum syndical, j'ai été sensible ici à l'effort manifeste de donner à voir de belles séquences, parfois même très fortes. Des plans larges surtout, faisant la part belle aux magnifiques décors (la Nature n'a jamais été aussi bien mise en valeur dans un film en image de synthèse, voire même tout court), et qui rappelleront avec un clin d'œil complice les meilleurs moments de Wall-E ou Totoro. Petit bémol pour les plans rapprochés et les séquences d'action, bien plus classiques dans leur approche, mais n'est pas Kung-Fu Panda 2 qui veut.

Un vraie bonne surprise donc, à condition d'y assister avec un minimum de bienveillance et d'ouverture d'esprit : oui, le film est simple, oui, il utilise des ficelles déjà vues partout ailleurs depuis des lustres, oui, même en visant un public plus enfantin on aurait pu aspirer à un peu plus de profondeur, mais voilà, il se trouve que j'ai passé un bon moment devant The Good Dinosaur. J'ai eu droit à quelques petites rigolades franches et bien senties, le duo Arlo/Spot fonctionne à merveille (surtout pour ce dernier, d'une mignoncité trop forte pour être honnête, l'occasion aussi de se rappeler que le studio a fait d'immenses progrès en matière de design humain depuis Toy Story), et j'ai même volontiers tiré ma petite larmichette lors de certains passages. Et je n'ai même pas eu à me forcer, parce que pendant 90 minutes, j'étais retombé en enfance. Et en replongeant dans le monde des adultes, à la sortie de la salle, je me suis dit que les gamins d'aujourd'hui avaient beaucoup de chance d'avoir des films de cet acabit ; des Good Dinosaur, des Paranorman, des Kung-Fu Panda, Ponyo et autres Avril et le Monde Truqué (allez voir ce film, c'est un ordre), alors que pour ma part en France au début des années 1990 je n'ai connu que Disney (certes, une période pas trop vilaine du studio, mais même Le Roi Lion commence à accuser le poids de l'âge et à sentir la guimauve figurez-vous). De quoi avoir confiance en l'avenir de nos chères petites têtes blondes (à condition de leur éviter une exposition prolongée aux Minions et autres Chipmunks), et surtout en l'avenir du studio à la lampe, qui prouve si besoin était qu'en plus de savoir faire du bon Pixar, il sait aussi faire du bon Disney.