Un échec fascinant à regarder

Après avoir installé une suprématie dans l'art du dessin animé en 3D pendant près de 20 ans, Pixar revient encore aujourd'hui et nous propose avec The Good Dinosaur, son film à la fois le moins ambitieux et le plus couillu qu'ils aient pu faire.
Bon on ne va pas se mentir, dans le genre couillu ils nous ont prouvé maintes fois qu'ils en avaient des grosses avec des films tels que Wall-E ou Brave ou plus récemment Inside Out (que je n'ai pas vu mais que je veux bien croire excellent).
Mais dernièrement le studio a subi quelques coups durs. Car pour la première fois depuis longtemps on aura eu une année sans aucun Pixar en 2014. Tout ça pour se rattraper en 2015 en sortant deux films (l'erreur).
Et d'après ce que j'ai pu lire, le développement de The Good Dinosaur a l'air 1000 fois plus intéressant que le résultat. La plus grosse bavure semble être le changement de réalisateur et le licenciement d'une centaine d'artistes en plein milieu de la prod. Et quand on voit le film on se dit qu'ils n'ont pas du virer les bonnes personnes. Par conséquent, The Good Dinosaur semble en raccord avec les décisions de prod: Schizophrène, incertain, à tâtons, trop confiant et en même temps poule mouillée. Cartoon vs Réalisme, Violence suggérée vs Violence montrée, Absurdité vs Sérieux sont autant de combats menés par le film là où il aurait fallu trouver un terrain d'entente.

Pas la peine de vous faire un dessin (photoréaliste) je n'ai pas aimé The Good Dinosaur, mais j'ai adoré l'échec qu'il figure. J'ai passé un excellent moment à me foutre de la gueule de ce film depuis la première minute jusqu'à la dernière.
Car sans faire de faute gravissime, The Good Dinosaur c'est le vilain petit canard de la filmographie Pixar. C'est celui qui essaye de s'intégrer mais qui essaye trop fort en partant avec un handicap de taille. Son concept, son pitch, tout simplement. Pourtant Pixar en a pondu du concept chelou par le passé.
Parce que si on vous raconte que c'est l'histoire d'un vieux qui accroche des ballons à sa maison pour s'envoler loin de la ville avec un scout asiat' pour se perdre dans la jungle face à des chiens qui parlent et à un oiseau arc-en-ciel en voie de disparition... C'est zarb et pourtant Là-haut est un film extraordinaire!
Mais si je vous dis que c'est l'histoire de dinosaures fermiers, où les humains se comportent comme des chiens et le héros est un trouillard et son père meurt et il se perd dans la forêt... Niveau perché on y est bien pourtant.
Malheureusement dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui, l'originalité n'y a aucune saveur. La raison en est simple. Si on remplace les dinosaures par des humains et les humains par des chiens, le film est exactement le même. J'irais jusqu'à dire que le premier plan du film (celui du teaser), où on voit la comète supposée anéantir les dinosaures esquiver la terre, ne sert à rien non plus.
Le pire c'est que à aucun moment le film semble jouer avec l'absurdité de son postulat de départ, et à aucun moment le film ne traite de la problématique du contraste.
Parce que le contraste il est bien là. Il suffit de voir à quel point les décors photoréalistes tranchent avec le chara design ultra cartoon des personnages. La vitrine technologique impressionne mais ne se justifie pas. Cette avalanche de réalisme ne soutient aucunement le récit. Et on arrive même à se demander pourquoi ils se sont autant pris la tête. Peut-être par sentiment de rivalité envers Dinosaure de 2001 de Disney qui, lui, avait opté pour la technique des décors photographiés?
Ce décalage s'observe autant dans le général que dans le détail. Par exemple, on notera que la mort du père d'Arlo est expédiée off screen et sans aucune bavure (ce qui m'a fait hurler de rire pile au moment où fallait pas d'ailleurs). D'accord, c'est pour les enfants, il convient peut-être de ne pas trop en montrer. Sauf que plus tard dans le film, on voit un pauvre petit écureuil se faire littéralement déchiqueter par trois ptérodactyles en même temps! Niveau violence on passe de Oui-Oui à Plague Dogs sans prévenir!
Je ne vais pas énumérer toutes les instances où le film paraît se disputer avec lui-même car ça dure tout du long. Mais on notera également un manque d'inspiration et une légère tendance au réchauffé en particulier avec la mort du père. Au milieu des rochers, comme dans le Roi Lion, écrasé sous le coup d'une vague immense, avec un dernier regard avant de clamser... J'ai chuchotté à mon pote "c'est moi qui ai tué Mufasa" et ça nous a bien fait rire.
Y a-t-il un moment cool dans le film? OUI le passage avec les T-Rex ranchers (preuve encore une fois que valait mieux faire ça avec des cow boys dans le far west plutôt qu'avec des Dinosaures dans une uchronie). Drôle, bien rythmé, les personnages fonctionnent très bien. En plus en VO c'est Sam Elliott qui fait le papa T-Rex alors tout baigne!
Mais en y allant je ne m'attendais pas à voir une telle déception. Clarifions cependant que le film n'est pas mauvais, encore une fois sur le papier il ne fait rien de strictement mal. Mais le manque d'originalité, le concept sous-exploité, le décalage constant et non assumé fait de Good Dinosaur un film sans aucune saveur. Et pour Pixar c'est historique de faire un film aussi pauvre, même Cars avait plus de substance, même CARS 2!!!
Mais je refuse de penser que le film a été conçu pour ce résultat. Je me rappelle des premiers designs il y a longtemps qui avaient l'air d'aborder l'histoire sous un autre angle. Le changement d'équipe aura eu raison de The Good Dinosaur. Un échec impressionnant et fascinant à regarder.