Je dois avouer que ce classique, ce monument de Méliès de 1902 m'a très moyennement convaincu. Une moyenne pas si faible que ça au vu de ma note, certes (8/10), mais proportionnellement à d'autres œuvres antérieurs, je trouve que Méliès est loin d'offrir son travail le plus poétique ni ses meilleurs effets spéciaux. De ce fait, je me demande si Le Voyage dans la Lune n'a pas quelque peu volé la place des autres œuvres de Méliès, plus courtes et moins populaires.
On est en 1902 et Méliès décide de réaliser une oeuvre fantastique particulièrement longue pour l'époque (12 minutes). Un tel record avait déjà été atteint avec Barbe Bleue l'an passé (10 minutes).
Le Voyage dans la Lune c'est l'histoire d'une expédition lancée par le professeur Barbenfouillis (Méliès him-self) pour visiter la lune à travers un obus, lancé par un gigantesque canon. Sur place, avec 5 collègues, ils assistent à un clair de Terre, ils visitent une grotte aux champignons géants et ils se battent contre les sélénites, le peuple résident sur la Lune.
En terme de genre, Méliès est un précurseur et, de ce fait, il n'est pas limité par des codes. Par rapports aux adaptations et aux réalisations proches de spectacles magiques ou comiques qu'il a réalisé par le passé, Le Voyage dans la Lune se remarque par son énorme liberté d'écriture. Nous sommes d'ailleurs face à de nombreux éléments qui seront repris dans les films de science-fiction (envoie d'une équipe, découverte de la planète/satellite, aspect féérique du lieu, découverte de la flore incroyable, combat contre la faune local, retour sur Terre in extremis). Méliès fait d'ailleurs, pour l'époque, un de ses films les plus violents, au regard des nombreux combats contre les pauvres sélénites.
Pour autant, certaines scènes peuvent apparaître comme longues (les combats, les décisions au début).
Méliès est connu pour être le magicien des effets spéciaux (et franchement, c'est pas peu dire) c'est donc surprenant d'en voir si peu dans ce film. On a quelques fondus (dont le premier est mauvais au regard des exigences du maître), quelques beaux subterfuges (le champignon qui pousse) et arrêt de caméra (les explosions des sélénites), mais ça reste finalement assez minime par rapport à d'autres créations contemporaines de Méliès. Les effets spéciaux sont moins fascinant. Notons le retour sur Terre, je suis surpris qu'un magicien comme Méliès n'ait pas trouvé mieux comme procédé pour montrer ce retour que d'utiliser des maquettes en ombres chinoises.
Méliès préfère se concentrer sur l'aspect féérique, sur le côté "conteur" de son travail. Et cela on le remarque dès le début, les savants ressemblant plus à des magiciens qu'autre chose. On notera aussi le soin incroyable apportait à tous les décors. Le véritable effet spécial se trouve là-dedans. Méliès assume totalement ce côté poétique et le revendique dans la réalisation. Beaucoup d'élément le font comprendre. La personnification des astres surtout, on se rappelle tous de la Lune avec ce visage, mais Saturne, les étoiles ne sont elles pas aussi marquantes ?
Il y a une véritable volonté de raconté un songe, un rêve.
Je ne dis pas que ce film est mauvais, et au regard de ma note, on le comprend immédiatement. Je trouve cependant qu'en terme d'écritures et d'effets spéciaux, Méliès avait déjà fait mieux et refera mieux. Il s'agit cependant d'un tournant historique, un tournant majeur dans l'histoire du cinéma. Le Voyage dans la Lune va marquer les esprits, devenir un phénomène culturel majeur.
La poésie de Méliès est également en marche et on va la retrouver au fur et à mesure. Ce film marque clairement la transition entre un Méliès-forain et un Méliès-cinéaste.