mai 2011:

Ah, bonbon sucré pour moi! J'avais découvert le père Thomas en auteur de polar guilleret avec le premier opus, "Mon petit doigt m'a dit" que j'avais déjà aimé, pour les mêmes raisons que celui-ci. Mais j'avais déchanté en découvrant le maniéré "L'heure zéro". Je craignais une nouvelle désillusion après le désastreux "Ensemble nous allons vivre une très, très grande histoire d'amour", qui n'est pas un polar, certes. M'enfin, deux déceptions d'affilée, je commençais à me faire du soucis.

Et malgré un dvd baveux sur chaque mouvement (c'est un dvd 9 pourtant!), j'ai pris mon petit panard. Comme je disais plus haut, le plaisir est au rendez-vous pour les mêmes raisons que "Mon petit doigt" : ce délicat et complexe alliage comédie / policier, la poésie formelle et le couple attachant formé par Catherine Frot et André Dussollier.

D'abord en effet, Pascal Thomas sait admirablement créer une atmosphère toute particulière mêlant à une trame policière classique un certain humour, presque infantile, parfois burlesque sans que cela nuise au suspense.

Cette tension qu'il maintient malgré tout provient sûrement du soin pris à raconter son histoire dans un espace très travaillé, dans la décoration comme dans la photographie.

J'imagine que le choix des lieux, cette grande bâtisse à l'aspect manoir hanté, avec une architecture saillante et des matériaux sombres, minéraux, joue un rôle primordial. Le découpage des plans presque gothiques et ceux d'une nature hivernale un peu hostile avec des plans plus lumineux, autour des visages ronds et chaleureux de Catherine Frot et André Dussollier provoque un sentiment mitigé, une petite instabilité. Le spectateur ne sait trop sur quel pied danser.

Par moments, Thomas nous balance une séquence d'une sérénité étonnante : une vaste pièce un peu sombre, endormie, où sont tracés par la lumière extérieure des rayons apaisants ou bien un plan avec en fond la vallée endormie hésitant entre brumes matinales et soleil vigoureux. Comme si le film ne voulait pas nous laisser dans un bain d'effroi et nous réchauffait de temps en temps d'une caresse réconfortante.

Mais ce qui rattache le plus le public à la comédie c'est certainement le duo d'acteurs principaux. Formant un vieux couple, à la fois complice mais aussi quelque peu compétiteur, Catherine Frot et André Dussollier forgent un socle solide sur lequel le cinéaste bâtit sa toile comique, en contre-champ du récit policier inquiétant. Véritables poumons dans cette histoire angoissante de cadavres étranglés ou empoisonnés, leurs gesticulations comiques et attendrissantes ne laissent planer aucun doute sur les intentions de l'auteur : on est bien dans un savant mélange, une salade niçoise délicieusement assaisonnée, une comédie policière réussie, enjouée et intrigante. Les tonalités ne se télescopent pas, l'équilibre perdure, charmant et étonnant.

Les acteurs sont formidables. C'est assez rare de voir André Dussollier faire le clown. Son visage à la fois sévère et ahuri est irrésistible mais il est vrai que la performance de Catherine Frot est sans doute plus éclatante, son personnage étant de suite en première ligne. En parlant de ligne, ce petit bout de femme se meut dans un corps fuselé, d'une sensualité si exorbitante que les yeux de Claude Rich, lui aussi épatant en vieux pingre acariâtre, ont bien du mal à retrouver leur place. L'acteur dans un rôle hors norme s'amuse comme un petit fou. Attention : contagion!

Pour ma part, je suis très heureux d'avoir passé à nouveau un aussi plaisant moment avec Pascal Thomas. J'en redemande de ce couplet là!
Alligator
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le 19 avr. 2013

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