Cinéaste artisanal sans grand talent, Jean Girault laisse derrière lui une trentaine de comédies boulevardières. Il y en a des sympatoches et il y en a des mauvaises. Celle-ci compte parmi les plus lamentables. Dans cette période où il s'était séparé de Louis de Funès, il était sérieusement en pente descendante (il venait de commettre "L'année sainte", lugubre dernier film de Jean Gabin).


Voulant surfer sur le succès des comédies seconde guerre mondiale en vogue, (entre les "Grande vadrouille" et "Septième compagnie") avec son scénariste Francis Rigaud et son dialoguiste Jacques Vifrid ils écrivent une comédie de boulevard aux ressorts usés jusqu'à l'os, et ils essaient d'insuffler un vent de jeunesse pour plaire au public des années 70. Il n'y a rien de plus triste que des vieux qui essaient de se rajeunir.


On a donc un trio de jeunes (Francis Perrin, Roger Miremont et Jean-Jacques Moreau) qui, sous l'occupation, piquent la vénus de Milo afin d'empêcher les allemands de la prendre. S'en suit toute un tas de rebondissement vus maintes fois, entre portes qui claquent et érotisme à deux balles (toute une partie du film se passe dans un bordel de province). Aucune surprise.


Girault n'a peut-être pas un sens aiguisé de la mise en scène mais en général il sait composer un casting et mettre les acteurs dans des situations qui leur permettent de sauver les meubles, leur donnant suffisament de liberté. Sauf que dans les années soixante il avait des pointures (Louis de Funès, Darry Cowl, Francis Blanche). Ici le trio vedette manque cruellement de fantaisie. Ils sont trop jeunes, trop lisses, pas suffisament aguerris pour tenir la route.


On voudrait se rattraper sur les seconds rôles mais pas grand chose à signaler. On croise Galabru, qui est bon comme d'habitude mais qui n'a pas d'éclair particulier, alors que d'habitude Girault sait lui donner des scènes assez mémorables. Ici il est tout calme, il ne fait pas grand chose. Claude Piéplu est décevant avec son accent allemand à couper au couteau. On a une apparition décevante de Grosso et Modo en gendarmes (référence mon dieu !) qui se contentent de faire des gueules d'ahuris. Jacques Marin, Robert Berri, Henri Virlogeux et Jacques Balutin se contentent de cachetonner. Seule Juliette Mills s'en sort très bien en tenancière de bordel.


Et puis il y a Katia Tchenko qui joue une allemande et qui s'en sort plutôt bien dans ce rôle bref, dans une scène bien aigriarde qui n'assume pas sa vulgarité jusqu'au bout (elle montre très rapidement ses seins et ses fesses). Ce passage représente bien l'inconsistance du Girault de cette période. Il essaie d'adapter son humour bon enfant des années 60 à l'humour graveleux des années 70 et le résultat est assez pitoyable. C'est pareil dans les dialogues de Vilfrid, par moment légés, par moment beaufs. La musique de Claude Bolling est franchement oubliable.


Si on oubliera pas de sitôt l'occupation on a vite fait d'oublier nombre de bouffonades filmiques que ça a engendré.

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le 21 janv. 2021

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