Le monde est à toi par vascoesh

Bien qu'il regroupe un casting plutôt prometteur, Le Monde est à Toi n'a pas été à la hauteur de beaucoup d'espoirs.
Mais pourquoi donc ?
Après avoir visionné ce film et s'être rendu compte qu'il faisait partie des films en compétition au dernier Festival de Cannes, deux questions font alors leur apparition dans mon esprit le plus bienveillant certes, mais néanmoins abasourdi,
Pourquoi ce film en sélection à Cannes?
Pourquoi ce film?

Romain Gavras, après avoir longtemps oeuvré au sein du très respectable collectif Kourtrajmé composé de membres de référence tels que Ladj Ly, Kim Chapiron ou encore Olivier Barthélémy, il s'est également adonné durant plusieurs années à la réalisation de clips comme le Gosh de Jamie xx ou certains des meilleurs clips de M.I.A mais surtout du très bon Signatune du défunt Dj Mehdi.
La grammaire visuelle de Romain Gavras fait notamment référence, depuis ses débuts, à l'urbain et ses codes vestimentaires, capillaires, automobiles et autre. Il manie avec beaucoup de talent cet aspect de la société et échappe largement, depuis ses débuts, à beaucoup de clichés et d'à priori concernant ces milieux sociaux dont il a pris la peine de défendre.
Une évolution dans la recherche esthétique de Romain Gavras est incontestable et lui a permis de s'émanciper dans une vision du monde à la fois léchée et tout à fait subversive.

Cependant, en ce qui concerne Le Monde est à Toi, l'on se demande ce que cherche notre ami Romain, et surtout à quel moment a t-il choisi de faire évoluer sa démarche artistique et surtout pourquoi autant de clichés à l'intérieur de ce film?

Parce que oui, Romain Gavras s'est bien trop reposé sur ce qu'il avait mis en place au sein des nombreux clips qu'il a réalisé ces dernières années. Surtout en ce qui concerne les plans drônes entre les barres d'immeubles (déjà présents dans le clip de Jamie xx) qu'il ponce jusqu'à l'os dans son long métrage, autant pour illustrer l'ambiance architecturale dans laquelle évolue le personnage principal de François que pour illustrer l'architecture sur-dimensionnée des immeubles de Bénidorm lorsque le convoi de François et ses acolytes débarquent dans cette cité balnéaire espagnole afin de récupérer de la marchandise auprès de l'Écossais.

L'histoire de Le Monde est à Toi est celle de François, jeune homme issu d'une cité Française qui décide de monter une filiale de la marque Mister Freeze au Maghreb. Tout ne va pas se passer comme François le souhaite lorsque sa mère ainsi que d'autres personnages vont s'en mêler.
L'histoire pourrait être bonne, mais notre Romain national, bien que fortement influencé par une ribambelle de films de gangsters ( de Guy Ritchie à Quentin Tarantino en passant par Martin Scorsese et j'en passe) ne parvient pas à réunir les éléments narratifs nécessaires pour que le spectateur entre dans cette folle aventure qu'est celle de François.
Beaucoup trop de surface en effet sur les personnages mis en lumière par Gavras, notamment en ce qui concerne François lui-même mais aussi tout ce qui tourne autour de sa famille et de son histoire.
Certains personnages comme celui de René, interprété par François Damiens, apparaît à l'écran sans que l'on sache réellement qui il est, ce qu'il représente au sein de cette épopée Espagnole.

Sans compter les nombreux clichés donc, que ce soit vis-à-vis des jeunes frappes sous les ordres de Poutine (interprété par Sofian Khammes) plus déterminés les uns les autres à devenir calife à la place du calife, à base de maillot de foot Thaïlandais, écouteurs vissés aux oreilles à écouter JUL en boucle tout ça en fumant des chicha et oinj jour et nuit, mettant à l'amende gratuitement une bande d'Anglais pour le principe. Les clichés également en ce qui concerne le fameux René, beauf par excellence qui a réussi grâce au crime et arnaques en tout genre, embauchant des migrants Érythréens pour 1 € par jour, "Faudrait être con pour s'en priver". Clichés également sur les Érythréens eux-mêmes, dont René ne cesse de pointer du doigt leur inactivité et leur paresse.

Trop de facilités d'un point de vue narratif également vis-à-vis de l'intrigue et de la résolution finale du film, la bande de Zaïrois de Mr Dembélé qui "vole les voleurs et braquent les braqueurs". C'est un film à rebondissement plus qu'un film de gangster. Un film qui se laisse regarder certes mais qui ne vaut certainement pas la majorité des films en compétition à Cannes chaque années.
Dommage, car Romain Gavras avait de quoi faire et n'a peut-être pas assez puisé dans tous les codes narratifs/cinématographiques/esthétiques auxquels il faisait référence lorsqu'il s'amusait à réaliser des courts-métrages entre potes à l'époque de Kourtrajmé.

N'est-ce peut-être pas ça le problème de Romain Gavras ?
Faire des longs métrages coûte que coûte afin de rentrer dans une certaine notoriété de production/réalisation et aussi marcher dans les pas de papa Costa dont le cinéma à marqué l'histoire dans un tout autre registre ?

L'on notera qu'au scénario, apparaît le très bon Karim Boukercha, notamment connu pour son récent Violence en Réunion mettant en scène un Vincent Cassel, intimement lié au Vince de La Haine, repenti de violences urbaines qu'il essaie de combattre tant bien que mal afin de ne pas rechuter. La présence de K. Boukercha n'était néanmoins pas suffisante pour l'écriture de Le Monde est à Toi.

L'on notera également la présence secondaire du personnage de Vincent Cassel, toujours aussi bon, d'une Isabelle Adjani au top de sa forme et surtout d'un Karim Leklou touchant par son côté looser, sa danse du gros ventre, qui finalement baise le monde à la hauteur d'un Tony Montana Made inFrance beaucoup plus empreint d'humilité et d'humanisme.